Une ressource économique, un patrimoine paysager
Une ressource économique, un patrimoine paysager
Les reliefs les plus marqués sont, quant à eux, dans leur grande majorité, dépourvus de terres agricoles. La succession de cuvettes bordées par ces reliefs est en revanche souvent mise à profit, en particulier par la viticulture et l’arboriculture.
Les Bouches-du-Rhône restent un territoire fortement agricole, comme en témoigne la proportion du département occupée par les terres agricoles établie à 26 %*.
C’est également un secteur au poids économique important, occupant la deuxième place régionale avec 9 800 emplois équivalents temps plein et 962 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel*.
Les espaces agricoles constituent un atout d’importance pour la qualité des paysages, qualité ponctuellement contrariée par certaines serres.
La grande variété de productions, la présence d’éléments bâtis traditionnels et la pérennisation des spécificités liées aux différents terroirs façonnent des paysages à la fois pittoresques et remarquables, sources d’aménité tant pour les habitants que pour les adeptes du tourisme rural.
* source : Agreste, memento 2020
Terrasses, mosaïque, ouverture, nourricier, histoire, irrigation, pâturage, patrimoine…sont les mots évocateurs de ces lieux, qualifiés de singuliers et diversifiés, ou au contraire en voie de banalisation.
À la question quels sont les paysages agricoles singuliers, les réponses apportées mettent en évidence la grande diversité des productions (les Alpilles et leurs AOP, les vignobles de Cassis et du Pays d’Aix, la riziculture et l’élevage en Camargue, les moutons de la Crau…) mais également la notion de terroir. Ils sont même évoqués comme espaces de nature, du moins pour les espaces agricoles traditionnels. Les modes de production ancestraux paraissent néanmoins en danger. La perte de terres agricoles par l’urbanisation, la banalisation et la dégradation de ces espaces (extension des monocultures, multiplication des serres et installations photovoltaïques) et les mutations de cultures engendrant des besoins accrus en irrigation sont cités comme facteurs d’évolution.
La majorité des grandes cultures se situe en Camargue, où la maîtrise du fleuve et le développement des techniques de drainage et d’irrigation ont permis l’implantation de vastes étendues céréalières et de rizières. Le riz est la première culture céréalière du département*. Les rizières constituent un paysage singulier, ouvert sur l’horizon changeant au fil des saisons et du niveau des eaux. Les paysages de la Camargue sont aussi empreints de la culture sel qui y a dessiné des motifs spécifiques avec la géométrie parfaite des salins, les camelles et les violets et roses des marais que la concentration en sel fait varier.
Viennent ensuite les cultures de blé et de tournesol, les oléagineux et protéagineux étant plus anecdotiques. Elles se répartissent principalement au nord de la Camargue et dans la plaine du Comtat où elles forment alors un patchwork de cultures se mêlant aux rizières et à l’arboriculture. Ces grandes cultures sont souvent dépendantes du système de canaux d’irrigation qui, au-delà de son caractère technique, fait partie intégrante du patrimoine culturel et paysager.
Bien qu’ils ne représentent que 8% des terres agricoles*, les vignobles contribuent activement à l’image de paysages pittoresques, terroirs valorisés par les appellations de qualité, AOP et IGP. Ces vignobles s’établissent préférentiellement dans les cuvettes et petits vallons bordés de reliefs, en piémont ou sur les coteaux caillouteux. Ils assurent la mise en valeur mutuelle des paysages agricoles et naturels (garrigues, pinèdes, falaises…) par leur imbrication avec les autres cultures et leur écrin naturel. Les vignes sont le plus souvent intégrées dans un système de polyculture, mêlant parcelles de céréales, de vignes, vergers, oliveraies, prés… et représentent plus rarement de vastes étendues, alors implantées sur les terrains au relief plus doux.
Les vignobles et les exploitations en général s’accompagnent de domaines et mas, aux entrées soulignées d’alignements de pins, de platanes ou de cyprès, présentant parfois une architecture remarquable.
* source : Agreste, memento 2020
L’arboriculture est particulièrement développée dans les Bouches-du-Rhône, où elle met à profit 9% des terres agricoles*, avec une prédominance des vergers d’abricots, de nectarines et brugnons, d’oliviers, de pêches, de pommes et de poires. Le département est le premier producteur national de pêches, tomates et poires Guyot*. Hormis dans la Crau verte où ils représentent de vastes surfaces, suite au développement d’une arboriculture intensive, les vergers sont souvent organisés en parcelles de taille relativement réduite, imbriquées avec d’autres cultures (vignes, légumes…). Le maraîchage représente de plus petites surfaces, bien développé cependant comparativement au reste de la région PACA. Les cultures de salades, melons, tomates et autres légumes se regroupent plutôt au nord-ouest du département, dans la plaine du Comtat et dans la plaine de Berre.
L’arboriculture et l’héritage qu’elles portent notamment celui des restanques qui structurent les versants font partie intégrante de la mosaïque agricole caractéristique du département. Elles font vivre et perdurer les paysages, par la floraison des arbres fruitiers, par le maintien de cultures traditionnelles telles que l’olivier et l’amandier, ou par la structuration apportée par les haies de protection. Les tunnels et serres de maraîchage sont aussi des éléments de paysages. La nécessité de faire face à la concurrence notamment espagnole et de renforcer les capacités de production a fait surgir dans les plaines des nouveaux modèles de serres, certaines monumentales.
L’élevage concerne un nombre d’exploitations agricoles non négligeable ; l’élevage ovin dispose d’un cheptel de plus de 235 000 têtes*. Viennent ensuite l’élevage de bovins puis de caprins. Cette activité se traduit notamment dans le paysage par l’existence de nombreuses surfaces en herbe (près de la moitié de la Surface Agricole Utile*), principalement localisées dans les secteurs de la Crau, de la Camargue ou disséminées sur les pentes des reliefs.
Une part importante de ces surfaces en herbe est irriguée par le système de canaux, produisant des prairies verdoyantes où pâturent les troupeaux, avec la mise en place d’un véritable écosystème, avec sa faune et sa flore particulière.
Paysages façonnés par l’Homme, les structures agraires sont soumises à des processus d’évolutions naturels (développement, enfrichement…) et tout autant anthropiques. Le parcellaire (regroupement ou morcellement), les pratiques culturales, les formes des bâtiments d’exploitation répondant aux nécessités de se moderniser (hangars, serres…) sont les conséquences directes de l’action de l’Homme.
Si l’on considère leur surface, les espaces agricoles des Bouches-du-Rhône ont relativement peu évolué entre 2006 et 2020, passant de 149 000 ha en 2010 à 139 350 ha en 2020*, soit environ -7 %. Ce recul sert à l’urbanisation qui profite de l’abandon de terres cultivées peu rentables ou par manque de repreneurs.
Les enjeux liés aux espaces agricoles sont environnementaux, sociétaux et économiques.
L’attachement des populations aux paysages agricoles traditionnels, reflets d’un terroir et de modes de production anciens, sources d’un patrimoine bâti de qualité, est réel. En revanche, les évolutions portées par un modèle d’agriculture intensive sont décriées.
Aussi établir les facteurs d’évolution donnera l’opportunité à l’atlas des paysages de formuler des recommandations pour leur préservation et leur valorisation.
* sources : Agreste, recensement agricole 2010 et Agreste, memento 2020
Cela concerne en particulier les pentes des reliefs, zones moins facilement exploitables, mais également les espaces de plaine. Dans certains secteurs des massifs des Roques ou du Régagnas par exemple, ce sont des versants entiers qui évoluent en pinèdes ou en forêts mixtes.
Ce phénomène, qui aboutit à la fermeture des paysages et à l’augmentation du risque d’incendie, peut avoir plusieurs origines et répercussions :
L’enfrichement menace donc la pérennité des paysages agricoles ouverts, des paysages de terrasses, typiques du département, avec également des impacts sur la biodiversité. En effet, la fermeture des paysages s’associe souvent à un appauvrissement de la biodiversité. L’enfrichement n’est pas le seul responsable d’une perte de biodiversité ; les cultures intensives en sont aussi responsables.
Les cultures extensives sont riches de messicoles, qui offrent de nombreux habitats porteurs de biodiversité. Aussi lorsque les friches et les broussailles gagnent des secteurs de pratiques extensives, les milieux se referment et les formations végétales se simplifient. La biodiversité chute.
Si ce processus, responsable du mitage des terres agricoles, provient majoritairement de la fin du XXe siècle, il connaît un ralentissement ces dernières années grâce notamment à de nouvelles réglementations encadrant leur consommation. Mais des documents de planification urbaines ont entériné le changement d’usage de certaines portions de territoire et les zones d’habitat ou d’activités poursuivent leurs extensions.
Les surfaces concernées sont ainsi bien moindres qu’auparavant, et on assiste plutôt à un grignotage progressif, à partir des zones déjà urbanisées et étendant la tache urbaine, qu’à la mutation complète d’espaces cultivés en habitations. Par ailleurs, les nouvelles formes urbaines se veulent plus denses, avec des quartiers pavillonnaires au tissu plus resserré et des ensembles d’habitat collectif par principe moins consommatrices de foncier. En revanche, les équipements et zones d’activités qui s’implantent en lieu et place de terrains agricoles sont fortement consommateurs d’espace.
Certains secteurs sont très peu, voire pas du tout, touchés par ces dynamiques, quand d’autres s’avèrent plus concernés, à l’image de Saint-Martin-de-Crau ou Aix-en-Provence notamment.
Cette mutation de terres agricoles, en plus de sujétions environnementales, pose des questions d’ordre paysager. L’urbanisation des milieux ouverts (souvent des prairies ou des friches agricoles) induit une fermeture des paysages et une perte de l’aménité que procuraient ces espaces. De plus, le traitement des limites s’avère souvent problématique, avec une absence d’espace tampon entre des milieux agricoles, parfois patrimoniaux, et des zones d’habitat ou d’activités. Outre l’aspect paysager associé au traitement des interfaces, c’est aussi un problème environnemental lié aux traitements phytosanitaires et leurs impacts sur la santé.
Si ces dynamiques se sont pour la plupart essoufflées, du fait d’une prise de conscience collective, d’autres mécanismes à l’origine des mutations actuelles sont à l’œuvre, et notamment :
Le développement de l’arboriculture avec en particulier la reconversion de cultures sèches en arbres fruitiers, tendant vers des secteurs entiers de monoculture. Ces vergers implantés sur d’anciennes prairies sont responsables de la fermeture des paysages. De la même manière, on assiste à l’extension des vignobles, par exemple dans la haute vallée de l’Arc ou encore sur le bassin de Cassis. La mosaïque agricole tend à disparaître au profit des monocultures viticoles.
La multiplication des serres, photovoltaïques ou non, là encore sur des surfaces auparavant gérées en prairies ou éventuellement cultivées. En plus de la fermeture du paysage que cela occasionne, ces nouvelles infrastructures sont particulièrement prégnantes dans les perceptions, par leurs dimensions et par les matériaux utilisés (réverbération solaire, couleur blanche).
L’intensification de la culture de l’olivier, en plein essor (arrosage, herbicide, labour,…) a une incidence sur la biodiversité avec la régression des « olivettes » traditionnelles d’une grande richesse écologique. Ce phénomène s’observe surtout dans les Alpilles.
La poursuite de l’abandon des pratiques agricoles les plus extensives. La régression, voire l’abandon, de la pression de pâturage (pastoralisme) menace le maintien des pelouses sèches, qui se referment et évoluent vers des stades arbustifs, moins riches (notamment dans les Alpilles, la Sainte-Victoire, le secteur Étoile-Garlaban).
Ces mécanismes ouvrent la voie à une banalisation des paysages, d’ores et déjà initiée, qui s’avère dommageable à la qualité paysagère des Bouches-du-Rhône, à sa mosaïque agricole ouverte et à la diversité de ses terroirs.
Ce mouvement permet d’espérer une inversion de la tendance en renforçant les espaces plus riches que sont les agrosystèmes bien préservés des intrants chimiques (cultures céréalières, oliveraies et vignobles traditionnels extensifs, élevages extensifs,…). Cela peut se traduire de différentes façons :
Les messicoles et autres adventices sont les « mauvaises herbes » des champs et des cultures en général. Ce sont des espèces liées aux pratiques agricoles traditionnelles, dont les plus célèbres sont le coquelicot et le bleuet, mais dont certaines autres, moins connues, sont menacées de disparition et parfois protégées comme la tulipe de Lortet, l’ail noir ou les Gagées.
Le département des Bouches-du-Rhône est encore riche en messicoles puisqu’il héberge 64 espèces sur les 77 qui y étaient historiquement connues.
Les espaces les plus propices à ces espèces sont les champs de céréales, les vignobles et oliveraies traditionnels et globalement toutes les bordures et autres délaissés.
Si le département n’offre pas de maillage bocager tel qu’on l’entend dans l’ouest de la France ou dans les zones de montagne, il offre tout de même un paysage spécifique de haies dans l’ouest du département.
Dans ce secteur, centré sur les Alpilles dessinant un triangle entre Avignon, Salon-de-Provence et Arles, le besoin de protéger les cultures et le bétail du vent dominant, le mistral, a amené l’Homme à construire tout un réseau de haies. Si les plus emblématiques sont les haies monospécifiques de cyprès ou de peupliers, d’autres haies ont également été sélectionnées selon les milieux (haies de feuillus dans des milieux humides différentes des haies de feuillus dans des milieux secs).
Sur ce secteur, la disparition des haies est un phénomène très important depuis la seconde moitié du XXe siècle, couplé à une fragmentation du maillage (urbanisation, remembrement, évolution des pratiques agricoles, mauvaise gestion, maladies, sénescence). Dans le site Natura 2000 des Alpilles, c’est 230 km de haies (soit 28 % du réseau) qui ont disparu en 55 ans.
Aujourd’hui, grâce à une prise de conscience du phénomène et aux actions engagées par le Parc Naturel Régional des Alpilles, ce phénomène s’inverse avec la mise en place d’actions (et d’aides) permettant de régénérer et replanter des haies, avec 6,5 km déjà replantés depuis 2017.
L’enjeu est une notion qui établit les gains et les risques potentiels, d’un point de vue littéral « ce qui est en jeu ». Il s’agit de déterminer la valeur et la qualité de ce qui est en jeu.
Les paysages agricoles étant riches et diversifiés, leur valeur paysagère est fortement variable. Ainsi les paysages issus de l’agriculture intensive (serres, monocultures..) sont peu qualitatifs quand ceux représentatifs des terroirs et de la diversité agricole sont jugés positivement. Le caractère singulier et patrimonial de ces derniers est souligné par les habitants.
Elle est élevée avec un prix des terres agricoles qui est estimé entre 14 000 et 19 000 € par hectare* selon les secteurs. Les nombreuses productions, dont une grande partie est concernée par des labels, peuvent être exportées ou parfois transformées par les entreprises agroalimentaires du département. Le vin représente un chiffre d’affaires annuel de 260 millions d’euros*. Les espaces agricoles sont également le support de développement touristique.
Elle est fortement dépendante des pratiques agricoles : faible dans le cas d’une agriculture intensive (monoculture intensive avec labour profond, déchaumage précoce, amendements des sols, usage régulier d’herbicides, d’insecticides, remembrement); élevée dans le cas d’une gestion extensive (oliveraies et vignobles traditionnels extensifs, élevages extensifs,…). Certaines pratiques agricoles, très spécifiques, sont à la source de richesses écologiques également très spécifiques, par exemple dans la Crau sèche.
* source : Agreste, memento 2020
Facteurs d'évolution | Gains | Pertes |
---|---|---|
L'enfrichement | Augmentation des milieux naturels. | Perte de biodiversité liée à la disparition de secteurs de pratiques extensives. Disparition de terrasses cultivées. Fermeture des paysages. Augmentation du risque incendie. |
L'urbanisation des terres agricoles | Consommation de surfaces. Imperméabilisation des sols. Perte de qualité paysagère et transition urbain/rural brutale. Fermeture des paysages. | |
L'intensification de l'agriculture | Forte production agricole à court terme. | Banalisation des paysages. Perte de biodiversité. |
Le développement de pratiques vertueuses | Diversité et qualité paysagère. Gain de biodiversité. |
• Les objectifs
Promouvoir des modèles d’exploitation extensifs et une gestion durable des terres agricoles.
Faciliter l’installation de jeunes agriculteurs pour pérenniser l’activité agricole et limiter les processus d’enfrichement.
Valoriser la singularité et la qualité des productions agricoles issues de terroirs spécifiques.
Accompagner les agriculteurs pour favoriser le maintien des pratiques agricoles traditionnelles et des paysages associés.
Limiter le développement de nouvelles zones d’habitat ou d’activités sur des terres agricoles.
• Les leviers d'action
Charte des Parcs Naturels Régionaux (PNR de Camargue, PNR des Alpilles, PNR de la Sainte-Baume)
Le Projet Alimentaire Territorial
Plan de Paysage
Documents de planification urbaine : Plan Local d’Urbanisme, Schéma de Cohérence Territorial…
Labels : Appellations d’Origine Contrôlée, Agriculture biologique, qui permettent une meilleure rémunération des agriculteurs et donc une pérennisation de leur activité.
Zones Agricoles Protégées (ZAP) : créations en cours. Une à Cuges-les-Pins
Périmètre de protection d’un espace agricole et naturel périurbain (PAEN) : un à Velaux.
Conventions d’exploitation en Zone Natura 2000.
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