Massifs, collines, éperons et pitons rocheux favorisent l’émergence de noyaux villageois et de formes architecturales singulières qui s’adaptent à la morphologie du territoire.
L’urbanisme « modelé » qui en découle constitue un paysage pittoresque contribuant à la définition de l’identité des Bouches-du-Rhône, et, plus largement, de la Provence. Il se décline en plusieurs types qui présentent des variations dans le rapport qu’ils entretiennent avec le paysage, et des constantes liées à leur ancienneté et à leurs situations géographiques : genèse, stratification historique de la forme urbaine, styles architecturaux, dynamiques et enjeux.
- Les villages perchés : leur implantation en position dominante les rend visibles de loin et ils attirent le regard en se substituant à la ligne d’horizon. Ils sont répartis dans les différentes unités paysagères comportant des reliefs : massif du Régagnas, pitons rocheux sur les plateaux du Pays d’Aix, Puy de Mallemort dans la vallée de la Basse-Durance, massif de la Trévaresse, chaîne de la Fare, bassin de la Touloubre, massif de l’Arbois, massif de l’Étoile, massif de l’Estaque, promontoires rocheux du bassin de l’étang de Berre, massifs des Alpilles et de la Montagnette. Des formes architecturales en restanque ou en cascade constituent les traces d’anciens villages dans les quartiers de certains centres urbains.
- Les villages en pente : nichés en piémont d’une colline ou d’un massif montagneux, leur silhouette se fond au second plan du relief auquel elle s’adosse et qui dessine la ligne d’horizon. Leur répartition correspond également à la situation des reliefs dans le département.
- L’habitat troglodyte : caractéristiques de l’occupation primitive des sites perchés, certaines installations rupestres subsistent aujourd’hui et témoignent de la stratification historique des villages notamment aux Baux-de-Provence, à Lamanon et à Saint-Chamas.
- Édifices isolés inscrits dans le relief : abbayes, châteaux ou bastides
« Le village perché est un élément fort de l’attractivité du territoire d’Aix-Marseille-Provence. Emblème du cadre de vie à la provençale, il renvoie à une certaine authenticité. Il porte également une valeur patrimoniale et une dimension historique. »*
Un rapport intime avec le relief
Les villages perchés et en pente se caractérisent par la manière dont ils s’implantent sur le territoire. En position dominante, les villages perchés ne sont pas nécessairement situés à une altitude élevée. Ils se distinguent de leur environnement par l’implantation sur un accident de relief isolé : butte, éperon, piton rocheux. Au contraire, les villages en pente sont généralement positionnés en altitude : ils s’inscrivent au cœur d’un massif ou d’une colline.
Une silhouette identitaire et un repère visuel
La visibilité liée à leur implantation leur confère une identité forte et représentative des paysages des Bouches-du-Rhône. La silhouette des villages perchés crée la ligne d’horizon et s’offre au regard d’un coup, par surprise, au détour d’un virage. Celle des villages en pente se fond dans le décor, tout en restant très repérable. Le thème de la visibilité est constitutif de leur attractivité et de leur intérêt patrimonial. Ce sont de magnifiques points d’observation sur le paysage, balcons ou belvédères.
Une histoire commune
La recherche d’un positionnement stratégique sur les hauteurs est à l’origine de ces villages, aux dynamiques historiques communes. La recherche d’une protection par rapport aux invasions ou aux aléas naturels, d’un poste d’observation ou pour des raisons sanitaires et climatiques, ont conditionné l’occupation des reliefs. Ses caractères urbains et architecturaux sont comparables : époques d’édifications, orientation par rapport à l’ombre, à la lumière et aux voies de communication, agglomération du bâti, richesse du patrimoine architectural, avec souvent des vestiges de remparts, atouts et fragilités.
A l’origine des sites perchés
On trouve dans les hauteurs des villages actuels des vestiges d’oppida, bénéficiant de défenses naturelles liées à la difficulté de leur accès. Elles témoignent d’une occupation préhistorique puis celto-ligure des sites perchés, comme dans ces quelques exemples :
- L’oppidum du Baou-Roux à Bouc-Bel Air;
- L’oppidum de la Tête de l’Ost à Mimet;
- L’oppidum de Constantine à Lançon de Provence;
- L’oppidum de Teste-Nègre aux Pennes Mirabeau…
Sous l’effet de la pax romana, la protection des habitats n’est plus nécessaire et les villas s’installent au cœur des terres agricoles.
Les oppida sont ainsi démantelées, à l’exception de quelques sites à proximité de voies romaines dont les vestiges donnent naissance à des Villae : « Campo Marius » devenu Villa Ventabrenum à Ventabren, ou encore « Pierredon » devenu Villa Aculea à Eguilles.
Les habitats troglodytes, dont l’émergence est favorisée par la présence de roches calcaires tendres, sont également des formes primitives de l’habitat perché :
- Les Calades et la grotte néolithique « Baume Rousse » à Orgon
- Constructions troglodytes du Foussa à Rognes
- Maisons semi-trogoldytes à Cornillon-Confoux
- Grottes de Calès à Lamanon
- Grotte de l’Escale à Venelles-le-Haut
- Habitat troglodytique à Saint-Chamas
Ces sites perchés primitifs laissent place, au Moyen-Âge, à l’édification d’habitats dotés de remparts, tels que les castra et les mottes castrales en contrebas (phénomène d’incastellamento). C’est ce deuxième mouvement historique qui marque la forme des villages actuels. L’édification de châteaux féodaux, d’églises et d’abbayes est à l’origine du développement des villages et répond à un besoin d’échapper aux invasions et d’offrir une protection aux paysans. Selon les vicissitudes historiques et les aléas climatiques, ces noyaux urbains sont tantôt abandonnés, on parle alors de « déperchement », tantôt renforcés et fortifiés. Certains châteaux surplombent le noyau villageois. L’histoire des Comtes de Provence influence la fortification et le développement des châteaux et des villages perchés des Bouches-du-Rhône.
Formes urbaines et architecturales
Les villages perchés et villages en pente conservent leur structure originelle et resserrent leurs maisons autour de ruelles étroites et sinueuses, souvent radioconcentriques, qui rayonnent autour d’un château ou d’une église. Mis en scène par des places et placettes, ces édifices marquent la silhouette du noyau urbain, en systématisant la présence d’une tour ou d’un campanile au centre du village vu depuis le lointain : Tour sarrasine ou Tour de l’Horloge à Simiane-Collongue, église Saint-Michel à Fuveau, tour médiévale de Velaux, l’Hauture dans le vieux village de Fos…
Les maisons sont de hauteur inégale, implantées en mitoyen et à l’alignement sur des parcelles étroites, s’adaptant à la pente du terrain et s’orientant en fonction de la lumière. La typologie du bâti témoigne d’une conception verticale liée à l’étroitesse des parcelles accolées. L’organisation initiale était la suivante : rez-de-chaussée étable, un ou deux étages habitables et combles. Un escalier extérieur permet d’accéder directement au premier étage et une loggia exposée au sud permet le séchage des aliments ou du foin.
L’ambiance authentique des villages repose sur la persistance de modes constructifs traditionnels : tuiles romaines en terre cuite, façades en pierre apparente ou enduites à la chaux grasse et crépies au sable. L’ambiance chromatique générale est liée à l’utilisation de matériaux locaux. De nombreux villages ont exploité des carrières à proximité, dont les pierres caractérisent leur architecture : extractions de pierre à Fontvieille, carrières de pierre de taille aux Baux-de-Provence, carrière de marbre autour du vieux village de Vitrolles, extraction de bauxite à Allauch, exploitation du faciès urgonien à Orgon, de la pierre de Rognes… De même, le sable de la Durance présente des teintes douces dans les beiges et les gris colorés. Les argiles des environs du Tholonet sont rouges et mauves.
L’ornement caractéristique des maisons est la génoise qui consiste en une ou plusieurs rangées de tuiles superposées au-dessous de la toiture, afin d’éloigner les eaux de ruissellement de la façade. Cet élément distingue les villages perchés des Bouches-du-Rhône des autres villages perchés de France, en marquant leur appartenance provençale.
*Typologie des paysages anthropisés AGAM-AUPA-AMP