Une ressource économique, un impact paysager
Une ressource économique, un impact paysager
L’industrialisation des Bouches-du-Rhône s’intensifie au XIXe siècle. Le sel a été le support d’une industrie de production de soude (Septèmes-les-Vallons, usine à Rassuen (Istres), Port-de-Bouc…). Cette activité historique a laissé en héritage des installations devenues patrimoniales : canal Saint-Louis, La Coloniale à Marseille, Poudreries Royales de Miramas…
Les grands sites industriels des Bouches-du-Rhône se structurent en pôles, dont l’implantation est liée à leur activité, ou se disséminent sur le territoire. Ils mettent souvent à profit les terrains plats du littoral et à proximité des axes de transports majeurs, tels que la vallée du Rhône, le golfe de Fos, l’étang de Berre, la vallée de l’Huveaune et le bassin de Gardanne. Les activités pétrochimiques, sidérurgiques et industrialo-portuaires ont colonisé les rives de l’étang de Berre et du Golfe de Fos. Elles imposent la monumentalité de leurs installations métamorphosant les horizons littoraux. Elles offrent un contraste saisissant entre un milieu naturel d’exception et des infrastructures lourdes, imposantes par leur taille et nombre.
Viennent ensuite les carrières d’extraction, implantées dans plusieurs massifs calcaires ou les plaines alluvionnaires, puis des usines plus spécifiques.
En 2021, les paysages industriels sont ceux des grands parcs photovoltaïques répartis sur l’ensemble du territoire investissant d’anciens sites d’extraction (Fuveau, Puyloubier, Gardanne…) ou s’associant aux sites industriels.
Ces activités ont généré et génèrent encore aujourd’hui des paysages qui singularisent des territoires et sous-tendent leurs destinées. Les paysages industriels suscitent des ressentis collectifs ambigus qui oscillent entre le rejet et la fierté de bénéficier d’une capacité de production lourde.
Les activités industrielles sont une ressource économique majeure pour les Bouches-du-Rhône fournissant près de 10% des emplois*. Le déclin général de l’industrie française et les enjeux d’écologie industrielle sont facteurs d’évolution. Transition vers une industrie moins polluante et décarbonée, reconversion, extension ou fermeture sont les dynamiques qui animent ces espaces.
Les paysages industriels sont aussi l’occasion de scénographies nocturnes. Les rives de l’étang de Berre, du golfe de Fos et la vallée de l’Huveaune, pour ne citer que les principaux, s’illuminent de nombreux faisceaux et points, qui composeraient des tableaux séduisants s’ils ne portaient pas préjudice à la faune et à la flore. Ils s’ajoutent à la pollution lumineuse des villes.
* source : 2017, INSEE
Pollution, danger, visibilité, historique, mélancolie, économie… sont les mots évocateurs de ces lieux, plutôt perçus de manière négative.
Les paysages industriels sont malgré tout représentatifs des Bouches-du-Rhône, notamment au travers du « paysage des étangs » identifié comme partie intégrante du département.
Qualifié de paysage irréel, l’étang de Berre est cité à de multiples reprises et la confrontation entre espace naturel et industriel est soulignée.
Ces paysages ne laissent pas indifférents et si la mauvaise intégration paysagère des infrastructures industrielles est unanimement reconnue, les grands sites industriels ne sont pas pour autant rejetés.
Certains deviennent des éléments identitaires du territoire. Toutefois, la notion de rejet ou d’acceptation est très différente si l’on est riverain ou spectateur de ce paysage.
Localisées sur tout le pourtour du golfe de Fos, de Port-Saint-Louis-du-Rhône à Martigues, sur les rives nord-est et sud de l’étang de Berre, les activités industrialo-portuaires se juxtaposent à des milieux naturels, certaines zones humides. Ces espaces sont marqués par les installations industrielles (cuves, cheminées…) et les équipements portuaires. Leurs silhouettes caractéristiques interceptent la ligne l’horizon et font désormais partie du paysage, constituant des éléments familiers pour les habitants du département.
La majeure partie de ces activités sont implantées sur des terrains propriétés du Grand Port Maritime de Marseille, dont les installations se situent dans la rade de Marseille (entre la Joliette et l’Estaque) et pour une grande partie de Fos-sur-mer à Port-Saint-Louis-du-Rhône, prolongées de sites dédiés à l’industrie lourde (sidérurgie, chimie, pétrole, énergie). Ces bassins ouest concentrent 90% de l’activité du GPMM, leur situation en eau profonde étant, avec la sidérurgie, à l’origine du choix d’implantation de la ZIP (Zone Industrielle Portuaire) dans les années 1960.
Si ce secteur reste crucial pour l’économie du territoire, les activités de raffinage et pétrochimiques sont néanmoins en déclin, en particulier au niveau des sites de Berre-l’Étang. La raffinerie de la Mède, en rive sud de l’étang, s’est quant à elle réorientée vers la production de biocarburants pour perdurer.
L’extraction de matériaux concerne principalement le calcaire mais il existe aussi des carrières d’alluvions (notamment à Peyrolles-en-Provence et Saint-Martin-de-Crau), plus ponctuellement de marbre (Vitrolles), de dolomie (Les Pennes-Mirabeau) ou d’argiles (Aix-en-Provence, Puyloubier).
Les carrières d’extraction de calcaire représentent de profondes entailles au cœur des reliefs. Ces lieux dépourvus de végétation marquent les paysages par leurs proportions monumentales, par le contraste avec les milieux naturels ou agricoles alentours et par les infrastructures qu’ils génèrent (usine de production de chaux…). Les cimenteries se signalent dans les perceptions lointaines, par leurs silos démesurés émergeant des plaines (dans les marais salants entre Port-de-Bouc et Fos par exemple).
A l’entrée de la ville de Gardanne, l’usine Alteo est immanquable, avec ses hautes cuves, ses cheminées et leur panache de fumée, ses trémies et ses tuyaux. L’usine fait désormais partie des éléments de repère du paysage, indissociable du territoire communal. Controversée à cause des rejets de boues rouges en mer Méditerranée, l’usine produit des alumines (utilisées pour produire des écrans plats, batteries de véhicules électriques…) à partir du minerai de bauxite.
A la suite de la reprise en 2021 de l’entreprise, le procédé responsable de la production des résidus toxiques de bauxite devrait être stoppé avec l’importation du produit dérivé de ce processus (hydrate d’alumine).
Les massifs boisés du département fournissent la matière première pour plusieurs industries, même si celles-ci doivent bien souvent compléter leurs apports par des importations. Les débouchés des bois se répartissent essentiellement entre bois d’énergie et bois d’industrie pour les 104 400 m3 exploités en 2018*. Le bois d’œuvre reste très minoritaire mais en 2018, le pin d’Alep obtient la certification pour son bois d’œuvre en structure de bâtiment (NF B52-001) lui offrant de nouveaux débouchés.
* source : Enquête annuelle de branche DRAAF
Créé en 1959 à Saint-Paul-lez-Durance, le centre CEA de Cadarache a pour principales missions la recherche et le développement dans le domaine des énergies bas-carbone. Il est désormais mondialement connu pour l’un de ses projets, majeur dans la recherche sur la fusion nucléaire : le projet ITER, à l’origine de la construction du plus gros tokamak du monde. Il s’agit d’un réacteur destiné à contenir les réactions de fusion, qui ne produisent aucun déchet radioactif de haute activité à vie longue, ni aucun gaz à effet de serre. Cet équipement prometteur mais gigantesque (30 mètres de haut) ne sera néanmoins pas sans impact paysager.
Le site lui-même, avec ses multiples bâtiments et ses linéaires de clôtures, marque le paysage de la vallée de la Durance et ce malgré les boisements qui l’entourent. Véritable locomotive économique du secteur, le CEA a fortement influencé l’aménagement du territoire, au-delà même de son périmètre (habitat, zones d’activités, infrastructures de transport…).
Exploités depuis le XIIIe siècle, les salins de Giraud, au sud de la Camargue se sont véritablement développés à partir du XIXe siècle avec le besoin croissant des industries productrices de soude et de chlore. Ils ont participé à l’aménagement du territoire, notamment par leur besoin en logements pour la main d’œuvre (villages de paludiers). L’activité salinière demeure une activité agricole et les infrastructures associées sont relativement bien intégrées dans le paysage.
C’est un paysage de marais salants modelé par l’Homme, qui se caractérise par les motifs réguliers et géométriques des bassins, interrompus ponctuellement par les vastes stocks de sel. A Berre-l’Etang subsiste le seul marais salant encore en activité sur le pourtour de l’étang, zone majeure d’alimentation en période de reproduction des flamants roses.
Nés en 1916, les chantiers navals de La Ciotat marquent le paysage de la ville. Les nefs, les grues et le célèbre portique sont immanquables depuis les hauteurs, depuis la plage ou les calanques.
Leur valeur historique est reconnue, tout comme leur intégration et leur imbrication avec le paysage naturel remarquable du Bec de l’Aigle, de l’île Verte, et le quartier ancien de la vieille-ville, qui forment un ensemble cohérent. Ils ont su résister aux crises économiques en se réinventant : ils sont aujourd’hui destinés à l’entretien de superyachts.
Les évolutions des sites industriels sont principalement liées à des dynamiques économiques, lesquelles influent sur la bonne santé et la pérennité des entreprises. Les crises propres à certaines filières entraînent des cessations ou des mutations d’activité, qui influencent directement les paysages, soit en améliorant nettement leur qualité paysagère (réhabilitation), soit en créant un nouveau paysage industriel, soit en développant une friche.
Dans le cas de l’exploitation de ressources naturelles, telles que les roches et alluvions, l’épuisement des carrières peut conduire à l’extension de celles-ci sur le milieu agricole ou naturel. Les espaces désaffectés peuvent alors connaître plusieurs devenirs, plus ou moins impactants sur les paysages : réhabilitation, renaturation, développement d’énergies renouvelables…
Les différentes formes de prise de conscience environnementale et la réglementation jouent un rôle de plus en plus important pour l’avenir de ces sites. Les divergences entre écologistes, élus, riverains, salariés et syndicats, industriels…illustrent la complexité de ces lieux particuliers.
Les enjeux liés aux grands sites industriels sont ainsi environnementaux, paysagers, sociétaux et économiques.
Aussi établir les facteurs d’évolution donne l’opportunité à l’atlas des paysages de formuler des recommandations pour leurs éventuelles transformations.
Ce contexte économique peut ainsi engendrer des transformations majeures au sein des grands sites industriels. Du fait de la prégnance des installations existantes, ces modifications peuvent être à l’origine d’évolutions particulièrement visibles des paysages, en positif comme en négatif, telles que des réhabilitations de sites ou de friches, des mutations d’activité…Néanmoins, sur un site comme celui de la zone industrialo-portuaire de Fos si complexe à appréhender, les mutations (hors éoliennes) passent inaperçues.
L’avenir de la filière pétrolière est notamment en question et la raffinerie de la Mède, en rive sud de l’étang de Berre, a cessé son activité en 2016 pour se réorienter vers la production de biocarburants depuis 2019. Si certaines mutations d’activités sont neutres en termes d’impact paysager, ce n’est pas toujours le cas.
La Zone Industrialo-Portuaire de Fos-sur-Mer, dont l’avenir incertain nécessite la reconversion (du moins partielle), le développement des énergies vertes est visible et le sera encore plus demain. Le projet EOOS par exemple a pour objectif l’implantation d’une nouvelle filière industrielle de production et d’assemblage d’éoliennes offshore flottantes, avec un projet au large du golfe de Fos. On peut aussi citer le projet de construction de la plus grosse unité de production d’hydrogène vert de France. Plus largement, la question de l’écologie industrielle s’impose comme une nouvelle donnée, avec des conséquences à la fois environnementales et paysagères. PICTOO, la plateforme industrielle du port de Marseille-Fos expérimente de nouvelles formes de synergie entre les industries (énergie, matières…) permettant de consolider et de faire évoluer les sites vers une réduction des impacts.
Les friches, récentes ou anciennes, issues de la fermeture d’usines font parfois l’objet de réhabilitation après une phase de dépollution. De nombreux projets sont en cours : à Callelongue avec la construction d’habitations, à Port-de-Bouc sur le site de l’ancienne usine Azur Chimie ou sur la friche de la Madrague à Marseille où un véritable morceau de ville sera recréé. Des éléments de patrimoine sont souvent conservés, permettant de pérenniser des points de repère du paysage et l’histoire des lieux. Les carrières désaffectées connaissent quant à elles des trajectoires différentes, allant de l’implantation de centrales photovoltaïques, à la formalisation de plans d’eau à la couleur bleu vif et à la renaturation. 500 carrières à ciel ouvert étant répertoriées sur le département, ces évolutions, si elles ne suivent pas le chemin de la renaturation, peuvent avoir une forte incidence sur les paysages.
La Zone Industrialo-Portuaire de Fos a poursuivi son extension avec l’ouverture des terminaux Fos 2XL en 2011 pour accueillir le trafic de marchandises conteneurisées en développement et la création du terminal méthanier de Fos-Cavaou en 2010, destiné au gaz naturel liquéfié. Ces extensions se sont réalisées sur des espaces littoraux, faisant progresser les surfaces artificialisées au détriment des milieux humides. Il parait néanmoins judicieux de concentrer des activités prégnantes au sein d’espaces considérés comme dégradés, plutôt que de fragmenter l’activité industrielle et démultiplier les impacts associés.
Dans d’autres cas, c’est la réglementation qui évolue et qui entraîne l’extension des emprises industrielles.
L’obligation de cesser les rejets de boues rouges en mer Méditerranée, à partir de fin 2015, a par exemple conduit l’entreprise Alteo à étendre ses stocks de résidus de bauxite sur son site à Bouc-Bel-Air. L’entreprise écoulait jusqu’alors 60% de ses résidus en les mélangeant à de l’eau pour rejet en eaux profondes. Ce procédé désormais interdit impose que l’ensemble doit être stocké ou valorisé. Si l’entreprise vient à arrêter son activité se posera la question de reconversion du site de stockage des résidus. L’implantation de ce site d’environ 150 ha sur une petite colline cernée de boisements limite les covisibilités directes, masquant tout ou en partie l’extension des zones de stockage. Ce sont en revanche les effets sur l’environnement et la santé qui s’avèrent plus préoccupants.
De la même manière, l’arrêt de la centrale à charbon de Gardanne-Meyreuil en 2022, en lien avec le pacte pour la transition énergétique, a impliqué sa reconversion en centrale thermique à biomasse. Des friches adjacentes ont ainsi été mises à profit pour stocker le bois. Le développement d’une scierie est également évoqué pour pérenniser l’activité du site, ce qui pourra éventuellement nécessiter une extension.
Enfin, les carrières qui arrivent à l’épuisement des ressources du sous-sol ont la possibilité dans certains cas et avec autorisation d’étendre leurs emprises. Cela occasionne alors des modifications qui peuvent s’avérer très prégnantes en fonction de l’existence ou non de covisibilités (défrichement, stocks visibles, entailles…).
L’enjeu est une notion qui établit les gains et les risques potentiels, d’un point de vue littéral « ce qui est en jeu ». Il s’agit de déterminer la valeur et la qualité de ce qui est en jeu.
Elle est double, contradictoire. Les grands sites industriels font partie du paysage mais on ne peut nier qu’ils sont souvent perçus de manière négative, qu’ils renvoient dans l’imaginaire collectif aux pollutions et qu’ils procurent rarement des aménités paysagères. Ce sont des lieux à l’échelle démesurée se caractérisant souvent par une absence d’intégration paysagère. Les infrastructures lourdes qui les composent constituent une pollution visuelle, qui peut parfois perturber des perspectives intéressantes (littoral, vallée…).
Pour autant, lorsqu’elles sont implantées depuis de nombreuses décennies, elles semblent pour certaines faire partie du paysage en tant qu’éléments de repère. Certaines peuvent également avoir une dimension patrimoniale, par leur singularité ou leur architecture. Enfin, d’autres installations à l’image des paysages de quais et fronts maritimes actifs ou hérités ont été soigneusement remises en valeur.
Elle est élevée. Avec des sites industriels de grande envergure, fournissant au total 78 000 emplois * (en baisse depuis plusieurs années), les enjeux économiques restent importants. Ces activités sont à l’origine du développement économique de plusieurs secteurs les rendant dynamiques et attractifs.
Avec plus de 6 600 emplois, le site de production d’Airbus Helicopters, implanté sur les rives de l’étang de Berre à Vitrolles, est le plus gros employeur de la région PACA, .
Elle est paradoxalement élevée. Négative dans certains cas si l’on prend en compte l’impact des activités industrielles sur les milieux naturels (rejets toxiques, imperméabilisation de sols, pollution atmosphérique…), l’activité industrielle a contribué à préserver des écosystèmes fonctionnels en gelant l’occupation de parcelles contiguës à ses installations.
Le développement de la filière bois peut présenter un intérêt écologique, à la condition d’une gestion durable des forêts.
* source : 2017, INSEE
Facteurs d'évolution | Gains | Pertes |
---|---|---|
Les réhabilitations et reconversions | Opportunité de mise en valeur d’un patrimoine industriel historique. Réduction des nuisances et de l’impact sur le paysage et les milieux naturels. Gain de biodiversité en cas de processus de renaturation : pérennité des milieux et des paysages, amélioration de la qualité paysagère, paysages plus vivants… | Perte de repères historiques et paysagers. Pression urbaine augmentant sur les environs du fait d’une nouvelle attractivité : artificialisation des paysages. |
Les extensions | Prégnance de nouvelles constructions industrielles. Expositions aux risques industriels et aux pollutions diverses : risque de dégradation des paysages. Nuisances visuelles, sonores, olfactives : moindres aménités paysagères. Création d’infrastructures connexes parfois prégnantes, à l’image des giratoires souvent surdimensionnés (adaptés aux poids lourds). Urbanisation due à l’attractivité des sites pourvoyeurs d’emploi : augmentation des terrains artificialisés, moins de paysages naturels ou agricoles. |
• Les objectifs
• Les leviers d'action
Documents de planification urbaine (sur l’installation et l’extension de sites industriels) : Plan Local d’Urbanisme, Schéma de Cohérence Territorial…
Code de l’Environnement
Plans de relance et appels à projets
Schéma départemental des carrières
Plans de protection contre les risques
Hôtel du Département – 52 avenue de Saint Just, 13 256 Marseille Cedex 20