Un patrimoine multifonctionnel, mais soumis à des contraintes marquées
Un patrimoine multifonctionnel, mais soumis à des contraintes marquées
Les grands massifs forestiers correspondent, en grande partie, aux massifs calcaires. Ils couvrent les versants les plus pentus et les moins bien exposés, situations défavorables à l’implantation de l’Homme et de ses activités qu’elles soient agricoles ou industrielles.
Aujourd’hui la forêt couvre environ 25 % du territoire départemental*. Les Bouches-du-Rhône sont le département le moins boisé de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, et l’augmentation de la surface forestière reste modérée. La forêt est une ressource à la fois économique, porteuse d’emplois et de loisirs, et paysagère mais elle est fragilisée par les pressions urbaines et les risques qu’elle subit. Une de ses particularités est d’être en grande partie privée (67% des forêts**), ce qui génère un impact sur sa gestion et son exploitation.
La forêt fait partie intégrante des paysages des Bouches-du-Rhône. Au-delà des cadres paysagers qu’elle construit pour les villes et villages, elle offre de nombreux espaces de loisirs. Une grande partie des chemins de randonnée sont en milieu forestier. Les massifs forestiers sont très souvent cités comme paysages référents identitaires du département.
La forêt est aussi une ressource économique, un temps sous exploitée mais le Programme Régional de la Forêt et du Bois (PRFB) approuvé en août 2020 pose les actions pour la valoriser. La filière bois-énergie est d’ailleurs en plein essor et une certification du pin d’Alep a notamment été mise en place en vue de son utilisation comme matériau de construction et de fabrication de mobilier urbain.
* source : 2020, IGN Inventaire forestier.
** données OFME 2018
Hauteur, détente, découverte, horizons, garrigue, chênes, héritage, ombre et fraîcheur, incendie… sont les mots pour évoquer les lieux touristiques du département.
À la question quels sont selon vous les paysages qui identifient le département des Bouches-du-Rhône, les massifs forestiers sont très souvent cités en premier. Il faut dire qu’ils font consensus sur leur qualité paysagère et le rôle qu’ils tiennent dans l’imaginaire. Ils sont aussi reconnus comme porteurs de développement économique à travers le tourisme et la filière bois. Le risque incendie fait l’unanimité quant aux facteurs d’évolution. Cette sensibilité change même la perception du risque. On en vient à relever que tel ou tel massif a été épargné des feux de forêts.
Dans les Bouches-du-Rhône, la pinède à pin d’Alep constitue le couvert forestier dominant, omniprésent dans tout le département. Elle se présente sous plusieurs formes : futaie dense, futaie claire sur garrigues ou sur chênaie verte, stade pionnier de recolonisation après incendie ou après abandon des pratiques agricoles…
Dans l’est du département, en ubacs et dans les fonds de vallon, plus frais, plus humides, apparaît le pin sylvestre. Souvent épars dans la chênaie blanche, il offre parfois de véritables pinèdes sur les massifs de Sainte-Baume, Regagnas, Mont Olympe, Étoile, Concors…
La chênaie à chêne vert (l’Yeuse) accompagne régulièrement la pinède à pin d’Alep mais les chênes verts y sont en général à l’état de bosquets. Certains massifs renferment de belles étendues de taillis de chênes verts assez homogènes (massif du Concors par exemple). Les futaies feuillues sont rares.
Dans les fonds de vallon, plus frais, plus humides et/ou rocailleux ainsi que sur les ubacs, la chênaie à chêne pubescent (chêne blanc) prend le dessus. Cette forêt mésophile est parfois accompagnée par le pin sylvestre et de différentes espèces de sorbiers ou d’érables.
Enfin, dans certains massifs, en altitude ou dans des conditions plus fraîches, apparaissent dans la chênaie blanche le houx et l’if (Sainte-Victoire/Concors, Étoile, Sainte-Baume/Régagnas). À noter que la célèbre forêt de hêtres de la Sainte-Baume est localisée dans la partie varoise du massif.
En forêt méditerranéenne, il est des formations particulièrement intéressantes et riches sur le plan de la biodiversité : les forêts matures. Ces dernières sont très rares dans le département. Elles forment de petits îlots plus que de véritables massifs. C’est notamment le cas dans la forêt domaniale de Cadarache où s’observent des groupes remarquables de chênes pluri-centenaires. Ces vieux arbres, véritables réservoirs de biodiversité, présentent un grand intérêt pour les cortèges d’insectes sapro-xylophages et de faune cavicole (chauve-souris, oiseaux).
Il s’agit de formations forestières linéaires qui bordent les cours d’eau, les plans d’eau (douce) et les zones humides (ex : bordure des marais de Crau) et que l’on appelle les ripisylves.
Ces formations rivulaires accompagnent tous les cours d’eau pérennes du département, le Rhône et la Durance jusqu’aux plus petits cours d’eau. Les principales espèces qui les caractérisent sont les peupliers (blanc et noir), les saules (saule blanc ainsi que tous les cortèges des saules arbustifs), l’orme et plus rarement l’aulne glutineux.
Lorsqu’elles évoluent vers des stades plus matures, ou lorsque les sols sont un peu plus secs, apparaissent le frêne à feuilles étroites, le chêne pubescent (voire le chêne rouvre, le long du Rhône).
Les évolutions des massifs forestiers sont multifactorielles. Elles ont à la fois des origines naturelles (croissance, dépérissement, régénération spontanée), ou anthropiques (notamment du fait de l’étalement urbain). Elles peuvent être la conséquence d’aléas, notamment climatiques, de risques (notamment le risque d’incendies) et de l’exploitation de la ressource bois.
Si l’on considère sa surface, la forêt des Bouches-du-Rhône a sensiblement évolué entre 2006 et 2020, passant de 117 000 ha en 2012 à 128 000 ha en 2020*, soit moins de 10 %. C’est souvent par l’abandon de terres cultivées, délaissées car peu rentables.
Les évolutions s’inscrivent dans des temporalités très différentes. Le changement climatique apportera des modifications sur un temps plus long contrairement à l’urbanisation ou les incendies dont les transformations peuvent être rapides voire brutales.
Les enjeux de la forêt sont environnementaux, sociétaux et économiques.
Des plans de gestion, des programmes d’actions organisent la gestion de la forêt en tant que ressource mais la valeur de ces espaces est aussi paysagère.
L’attachement des populations, qu’elles soient riveraines de forêts ou non, est la preuve de cette valeur. Son environnement est recherché pour sa plus-value du cadre de vie et pour les espaces de loisirs et récréatifs qu’elle offre.
Aussi établir les facteurs d’évolution donnera l’opportunité à l’atlas des paysages de formuler des recommandations pour sa préservation et sa valorisation.
Les trois dernières décennies ont été marquées par des incendies touchant certains des paysages d’exception du département : les Calanques (2003 et plus récemment en 2016 et 2017) ou la Sainte-Victoire en 1989. Plus récemment, les incendies de Carpiagne en 2009, Rognac en 2016, et ceux de Martigues et Port-de-Bouc en 2020 rappellent combien ces espaces sont fragiles.
La particularité de la forêt des Bouches-du-Rhône est d’être en grande partie sous influence urbaine. L’Observatoire Régional de la Forêt Méditerranéenne estime à 99 % la surface de forêt sous influence urbaine (83 % en aire urbaine, 16 % dans un rayon de 10 km). Une majorité des départs d’incendie ont lieu depuis les pôles urbains.
En région méditerranéenne, les incendies de forêts sont souvent phénoménaux : ils peuvent provoquer des dégâts matériels considérables, mettre en danger les vies humaines et modifier les paysages. En ce qui concerne la biodiversité, le constat est plus contrasté. En effet, une partie de la flore méditerranéenne est parfaitement adaptée à cette perturbation et les incendies de forêt affectent globalement peu le couvert végétal à terme. De nombreuses espèces y trouvent même des conditions favorables à leur développement. Tous les scientifiques travaillant sur ce sujet s’accordent à dire que la régénération des formations végétales typiques des collines sèches provençales (pelouses, garrigues, pinèdes notamment), est plutôt rapide après un incendie. Globalement, la diversité floristique antérieure est retrouvée en moins de 3 ans tandis qu’il faut 5 à 20 ans, selon les cas, pour reconstituer l’aspect paysager de la couverture végétale*.
Un chiffre démontre cette résilience : depuis 1973 (date de création de la base de données Prométhée, relative aux incendies de forêt en région méditerranéenne française) 92 152 ha de végétation ont brûlé dans le département (à la date de décembre 2020 – source Prométhée). Cette surface représente 51 % environ en cumul (comptabilisant les zones brûlées plusieurs fois) en presque 30 ans, de la surface des massifs forestiers du département. Pour la période de 2006 à 2020, ce sont 12 306 ha ; ce chiffre intègre la répétition de surfaces brûlées. Certains incendies ont ravagé de très grandes surfaces : les Calanques en 2008, Chateauneuf-les-Martigues en 2010, Marseille en 2009 et 2016, Fos-sur-mer en 2016, Martigues en 2017 et 2020, Aubagne en 2017, Saint-Cannat en 2017, Ensuès-la-Redonne en 2016, Rognac en 2016 et Saint-Blaise, Castillon, Saint-Mitre-les-remparts et Port de Bouc en 2020.
Cependant il ne faut pas sous-estimer l’impact des feux qui détruisent de petites surfaces, mais qui de façon répétée, détruisent les sols en place, en accélère l’érosion et fragilisent alors fortement la capacité de résilience de l’écosystème forestier.
Certaines espèces sont même favorisées, voire presque dépendantes des incendies, comme par exemple :
Les études montrent, en milieu méditerranéen, une certaine résilience chez les invertébrés ainsi que chez les vertébrés mobiles. Les conséquences des feux sont alors moins dévastatrices pour ces deux catégories que pour les vertébrés peu mobiles comme les reptiles (serpents, lézards) qui subissent une plus grande mortalité. Aux populations animales détruites, s’ajoutent pour les espèces qui ont survécu la destruction de leur habitat.
Si l’on ajoute à cela qu’en région méditerranéenne, les formations ouvertes de début de succession (pelouse, garrigues basses et mixtes,…) sont parmi les plus riches du point de vue de la biodiversité, on constate que les effets des incendies peuvent souvent être de simples perturbations favorables à la biodiversité. Toutefois, l’impact du feu sur la végétation méditerranéenne est un phénomène complexe qui interdit toute généralisation. Chaque feu est un épisode particulier et ses impacts sont pénalisants pour les écosystèmes forestiers (destruction des habitats écologiques, couvert végétal concerné, superficie et intensité du feu, topographie,…):
La gravité des incendies sur la biodiversité dépend du milieu qu’ils détruisent. Pour les milieux ouverts, la régénération sera plus rapide. En ce qui concerne les forêts matures, les conséquences des incendies sont plus graves car elles sont rares et leur régénération sera bien plus longue.
* source : Pires M. & Pavon D. 2018. – La flore remarquable des Bouches-du-Rhône… – Biotope éditions
L’utilisation de la ressource bois est une source de transformation des paysages et c’est en ça que la gestion durable des forêts peut être une action en faveur des paysages.
Le département s’est engagé pour la préservation et la valorisation de la ressource forestière au travers du Programme Régional de la Forêt et du Bois (PRFB). La gestion durable d’une forêt doit garantir sa diversité écologique, sa productivité, sa capacité de régénération, son état sanitaire et satisfaire aux besoins de l’industrie du bois. Elle permet de préserver la pluralité de ses fonctions. Les débouchés des bois du département se répartissent entre bois d’œuvre (3%), bois d’énergie (66 %) et pour 31% en bois d’industrie*.
La récente norme relative aux règles d’utilisation du bois en construction attribuée en 2018 au pin d’Alep ouvre de nouveaux débouchés pour le développement d’une filière bois d’œuvre sur le territoire.
Un des objectifs du PRFB est de pallier à l’insuffisante exploitation de la ressource bois. Or la gestion durable des forêts, au-delà des emplois générés, permet de les maintenir en bon état et ainsi d’anticiper les effets du réchauffement climatique, de protéger les sols de l’érosion et la ressource en eau, de limiter le risque incendie…et c’est ainsi assurer sa valeur paysagère.
Une grande partie de la forêt est privée et une marge de progression en matière de gestion forestière y est possible. En effet, peu de Plans Simplifiés de Gestion, document obligatoire pour les propriétés de plus de 25 ha, sont à ce jour réalisés (29%**). Cela peut porter préjudice à leur état, sanitaire mais aussi à leur richesse écologique et à l’équilibre de leurs populations végétales et animales.
Le regroupement de propriétaires peut être une solution au morcellement des surfaces et ainsi assurer une meilleure gestion des forêts.
*source : enquête annuelle branche 2018, DRAAF
**données OFME 2018
L’habitat sous pinède est une forme fréquente et prisée de beaucoup. Ce sont autant de surfaces imperméabilisées par les constructions et tous les ouvrages connexes : piscines, voies de desserte Au-delà de l’impact visuel, la rencontre de l’urbain et de la forêt exacerbe le risque incendie et accentue les phénomènes de ruissellement consécutifs à l’imperméabilisation des sols. La majorité des départs d’incendies se font en limite de zone urbaine ou de voirie.
Les bienfaits de la forêt reviennent au centre des réflexions sur la lutte contre les effets du changement climatique (îlot de chaleur urbain, puits de carbone…).
Le principe de la forêt urbaine se développe. Leur classement en espace boisé classé (EBC) est un moyen d’assurer leur préservation et la plantation de forêt urbaine doit être encouragée.
Les forêts publiques ont en grande partie maîtrisé l’accueil des visiteurs, avec des aménagements spécifiques et grâce à une labellisation, notamment celle des parcs et domaines départementaux. La situation est autre sur les domaines privés où des conflits d’usage peuvent survenir entre randonneurs et chasseurs par exemple et d’autres plus difficiles entre riverains et exploitants.
Les Plans départementaux d’Itinéraires de Promenade et de Randonnée (PDIPR) et les Plans Départementaux des Espaces, Sites et Itinéraires (PDESI) ont pour vocation d’organiser les itinéraires, assurer leur continuité et participer à la préservation des espaces parcourus.
Les forêts aux portes des agglomérations offrent des espaces récréatifs appréciés de tous et certaines subissent les dégradations, parfois irréversibles, d’une sur-fréquentation, notamment :
Les sources de nuisances liées à la sur-fréquentation sont multiples (randonnée, VTT, escalade, spéléologie, motos, quad,…) et ce sont essentiellement les massifs péri-urbains qui y sont confrontés. La notoriété de certains massifs accentue également ce phénomène.
Ainsi, dans le Parc National des Calanques, où le problème atteint son paroxysme, une stratégie de « démarketing » a été mise en place en 2021, afin de lutter contre cette surfréquentation. L’idée est d’effacer l’image idyllique pour la remplacer par une information affichant la réalité (par exemple : « eau froide, accès difficile », image de plage bondée,…). En février 2021, un schéma des sports et loisirs de nature est adopté, rédigé par le Parc et ses partenaires, afin d’encadrer les pratiques de loisirs et sportives dans le respect des milieux et des habitas naturels.
L’enjeu est une notion qui établit les gains et les risques potentiels, d’un point de vue littéral « ce qui est en jeu ». Il s’agit de déterminer la valeur et la qualité de ce qui est en jeu.
Elle est élevée. Les espaces forestiers offrent un cadre de vie de qualité. L’environnement forestier est souvent synonyme de bien-vivre et bien habiter. Il peut être un argument pour valoriser l’attractivité d’un lieu, d’une commune. Les espaces forestiers dans le département des Bouches-du-Rhône appartiennent aux paysages du quotidien de tous.
Elle est élevée. L’économie que portent les espaces forestiers est à la fois touristique et industrielle. Les espaces forestiers sont des lieux récréatifs appréciés d’un grand nombre. Ils sont le support de développement touristique. À cela, il faut ajouter la ressource naturelle du bois qui fournit à plusieurs activités industrielles la matière première : énergie, pâte à papier et construction.
Elle est généralement modérée. En effet, une grande majorité des forêts sont des pinèdes à pins d’Alep dont la richesse écologique est faible. Dans certains cas, la valeur écologique peut toutefois être plus élevée : forêt mature, couvert forestier « en mosaïque » avec des milieux ouverts, ripisylve…
Facteurs d'évolution | Gains | Pertes |
---|---|---|
Incendies | Souvent, après un incendie, enrichissement de la biodiversité | Perte de biodiversité des milieux particuliers (forêt mature, milieux ouverts) ou en cas d’incendie très violent. Perte de la qualité paysagère, érosion des sols. |
La gestion durable des forêts | Opportunité de préservation par l’information et la gestion nécessaire | Dégradations des milieux et habitats naturels par surfréquentation |
L’urbanisation | Consommation de surfaces. Expositions aux risques : incendie, prédation par les animaux domestiques, dérangement (présence humaine, bruit…), dispersion d’espèces envahissantes, déchets… | |
Activités de pleine nature | Selon mode d’exploitation :
| Selon mode d’exploitation :
|
• Les objectifs
Gérer de façon durable les forêts : planifier les coupes et maintenir des lisières pour éviter l’impact visuel des coupes. Éviter autant que possible les coupes rases. Accompagner les propriétaires dans la rédaction de plans de gestion.
Maîtriser la fréquentation des espaces forestiers : informer et guider. Informer sur les milieux, leurs richesses et leurs fragilités et guider pour éviter la dégradation des milieux par des parcours « sauvages ».
Valoriser et poursuivre les travaux effectués dans les espaces gérés tels que les Parcs et Domaines départementaux, les forêts domaniales.
Accompagner les campagnes de replantation : choix d’espèces en proscrivant des espèces exogènes au site et privilégiant des plantations aléatoires et non linéaires.
Limiter le développement de nouvelles zones d’habitat sous forêt afin de réduire l’effet de mitage des versants boisés et protéger les personnes et les biens du risque incendie.
• Les leviers d'action
Hôtel du Département – 52 avenue de Saint Just, 13 256 Marseille Cedex 20