Un processus banalisant, de nouvelles réponses contextualisées
Un processus banalisant, de nouvelles réponses contextualisées
Pour certaines, elles sont les héritières de dynamiques plus anciennes (lotissements), pour d’autres relativement innovantes dans leur approche (écoquartiers). Le développement des zones d’activités, qui, d’une certaine manière, appartiennent à cette néo-urbanisation est traité dans une fiche spécifique.
La métropole Aix-Marseille-Provence qui concentre la majorité des habitants du département constitue le principal territoire d’accueil de ces nouvelles urbanisations. De 1990 à 2012, ce sont 10 000 hectares de terres qui ont été utilisés et urbanisés* et si cette dynamique s’essouffle depuis 2006, l’impact sur les paysages est toujours aussi visible. D’une manière générale, cet étalement principalement péri-urbain se réalise en taches d’huile à partir des centres urbains et des axes de déplacement aboutissant à un véritable continuum urbain.
Sur le reste du département, sur les espaces de plaines et parfois même au pied des reliefs, de nouveaux lieux d’urbanisation se développent également. S’ils représentent des emprises souvent plus réduites, ils sont pourtant porteurs d’enjeux fondamentaux en termes de préservation des paysages.
* source : Corine Land Cover
Développement pavillonnaire, pression immobilière, destruction des habitats naturels, privatisation, densification, mitage… sont les expressions associées aux nouvelles formes d’urbanisation.
Si les limites urbaines sont matérialisées par les composantes intrinsèques des villes (densité, verticalité, centralité), le phénomène d’étalement urbain qui est lié à une grande partie des nouvelles urbanisations trouble l’identification entre espace urbain et espace rural ou naturel.
L’évolution récente de la ville est principalement marquée par une forte présence de quartiers pavillonnaires et de lotissements résidentiels, par le développement de zones d’aménagement concerté (ZAC), comme celles portées par Euroméditerranée à Marseille, d’éco-quartiers, par la rénovation des centres historiques et par les programmes de renouvellement urbain des quartiers politiques de la ville (Projets ANRU).
Principal acteur de l’étalement urbain, les lotissements se caractérisent par une organisation parcellaire et une disposition du bâti déconnectées des contraintes physiques du site (pente, exposition), répétées selon un schéma d’aménagement identique révélant le caractère artificiel de ces espaces. Le tissu pavillonnaire peut être relativement dense, avec des petites parcelles souvent homogènes et en mitoyenneté ; diffus avec des parcelles plus grandes et un caractère plus aléatoire de la disposition du bâti ; lâche avec du bâti isolé au sein d’espaces naturels ou agricoles. Le réseau viaire et les rues se terminant « en raquette », représentent une emprise conséquente et constituent finalement la structure de ces espaces nouvellement artificialisés.
Ces formes urbaines très consommatrices d’espaces se placent ainsi en rupture avec le tissu urbain des centres historiques. On les rencontre en périphérie des villes et des villages, le long des axes de communication ou encore sous forme de « poches » d’habitat déconnectées de leur contexte. Elles tirent souvent partie de la planéité du relief, ce qui explique qu’elles soient très présentes dans les plaines et fonds de vallées (Huveaune, Durance, autour de l’étang de Berre…).
L’habitat pavillonnaire répond à un idéal déjà ancien, celui de la maison individuelle avec jardin, qui s’est développée à partir des années 1930 et qui trouve aujourd’hui un écho grandissant. Cette quête conduit à un report des logements sur la périphérie des villes, alors soumise à la pression urbaine.
Face au prix du foncier qui s’envole et aux enjeux urbains de densification du bâti, les résidences de petits gabarits (R+1 à R+4) se développent sur le même principe que les maisons individuelles en périphérie des villes, le long des axes ou encore à la faveur d’une « dent creuse », là aussi de manière standardisée.
À la suite du Grenelle de l’Environnement, le lancement du Plan « Ville durable » en 2008 a initié le développement des premiers écoQuartiers, avec pour objectif de promouvoir une nouvelle façon de concevoir la ville plus durable.
Un référentiel élaboré pour la première fois en 2012 et actualisé en 2020 porte une charte de vingt engagements répartis en quatre familles : démarche et processus, cadre de vie et usages, développement territorial, environnement et climat. Les réponses à apporter ne sont pas prédéfinies et l’enjeu est bien de proposer des solutions adaptées à chaque territoire notamment en valorisant le patrimoine naturel et bâti, l’histoire et l’identité du site. Un des objectifs affichés de cette démarche consiste à limiter l’artificialisation des sols en favorisant la recomposition de la ville existante ou en proposant une densité adaptée.
Treize opérations labellisées écoQuartiers sont recensées au sein du département, principalement sur le territoire de la métropole Aix-Marseille-Provence (Meyrargues), ou dans la vallée du Rhône (Saint-étienne-du-Grès).
Elles recouvrent différents contextes : reconversion de friche, centre-ville, renouvellement urbain de quartiers existants, extension urbaine…
Si les années 1960 ont été marquées par une politique d’aménagement de la ville dictée par le fonctionnalisme et ont vu notamment émerger des secteurs de grands ensembles au sein du département, les modes d’urbanisation actuels s’appuient sur des principes de mixité fonctionnelle, sociale, d’usages… Plusieurs outils réglementaires existent à cet effet, de la Zone d’Aménagement Concerté au programme ANRU pour le renouvellement urbain principalement mis en œuvre dans les villes de grande taille. On peut par exemple citer les opérations ANRU sur les quartiers de la Maille I et II à Miramas, celles à Port-de-Bouc aux Aigues-Douces ou encore à La Ciotat aux Matagots.
Les nouvelles urbanisations sont responsables de profondes modifications des paysages du département, marquantes par leur impact paysager et leur développement relativement rapide. Cette expansion urbaine qui paraît être infinie questionne aujourd’hui tout un chacun, citoyens, décideurs politiques, professionnels de l’aménagement… et trouve des réponses dans de nouvelles manières de construire la ville, plus respectueuses de l’environnement et du site en général.
Les évolutions des paysages du département sont très souvent liées aux dynamiques urbaines, avec un mitage de l’espace agricole, une extension du tissu urbain désorganisée et fortement consommatrice d’espace, une absence de traitement des abords et d’insertion urbaine… Ce constat concerne plus particulièrement l’extension de l’habitat pavillonnaire, dont les conséquences sur les paysages et les milieux sont importantes et irréversibles. L’enjeu devient crucial quant à la planification des nouvelles zones urbanisées autant dans leur implantation que dans leur forme.
La reconstruction de la ville sur elle-même, au travers de requalifications de friches par exemple, fait partie des réponses à apporter pour une urbanisation plus respectueuse de l’environnement. Les politiques publiques, par le biais de programmes de plus en plus volontaristes, permettent également de favoriser l’intégration de ces ensembles urbains.
Les enjeux liés aux nouvelles urbanisations sont ainsi environnementaux, paysagers, sociétaux et économiques.
Aussi, établir les facteurs d’évolution donnera l’opportunité à l’atlas des paysages de lister les points de vigilance pour les secteurs sous pression urbaine et de formuler des recommandations quant à l’insertion de ces nouveaux espaces.
La diffusion de l’habitat individuel est un phénomène massif à l’échelle du département, engagé depuis plusieurs décennies mais encore actif aujourd’hui. Ce processus efface les limites urbaines et installe un continuum urbain, créant un paysage mi-urbain mi-agricole sans que l’une ou l’autre de ces ambiances ne s’impose. Le passage d’une ville à l’autre se fait sans repère dans un paysage périurbain monotone où se répètent des modèles de plus en plus standardisés. Les nouvelles cellules pavillonnaires s’agglomèrent le long des axes de déplacement ou à partir de simples hameaux, s’étirant jusqu’à parfois se rejoindre.
Les axes routiers et la topographie plane favorisent les extensions urbaines, aussi bien les lotissements, les résidences de petits gabarits que l’habitat diffus qui se développe particulièrement au sein de l’espace agricole, en situation de crêtes ou au contact d’espaces forestiers. En plus d’un impact indéniable sur les paysages, ce processus est responsable de l’artificialisation des sols et engendre de multiples impacts sur l’environnement (perte de biodiversité, augmentation des risques d’inondation, réduction de la surface agricole utile…). D’un point de vue urbain, l’étalement urbain induit le déplacement de certaines entrées de villes, qui s’inscrivent dans un tissu plus lâche et mixte.
Depuis les années 2000, une densification de ces lotissements se dessine. Cette tendance est la conséquence de l’augmentation du prix du foncier, qui implique une réduction de la taille des parcelles pour maintenir des prix relativement accessibles. Elle résulte aussi de la volonté de certaines communes de limiter l’étalement urbain. Les parcelles sont désormais de plus petites tailles, les maisons compactes, parfois mitoyennes et fréquemment organisées sur 2 niveaux.
Ces lotissements ont fait apparaître des codes architecturaux, sans lien avec les spécificités du territoire (teintes, matériaux, pente de la toiture, implantation…) qui dénotent dans le paysage. Les teintes méditerranéennes et provençales, tirant sur les ocres, de l’ocre jaune à l’ocre rouge, en passant par le gris des sables de la Durance ne se retrouvent pas dans les constructions récentes, très souvent parées d’un blanc éclatant réfléchissant les rayons du soleil. La volumétrie allongée des mas provençaux, surmontée d’une toiture à 2 pans est, quant à elle, fréquemment remplacée par un volume cubique, à toit plat ou à 4 pentes et aux menuiseries anthracites.
Les clôtures dans toute leur diversité, pleines ou plus ou moins transparentes, doublées ou non d’une haie, mur enduit, de pierre, grillage ou barreaudage, deviennent les nouveaux éléments de ces paysages périurbains. Elles participent à la fermeture du paysage des rues.
L’étalement urbain, dans les proportions que l’on connaît aujourd’hui, n’est pas inéluctable comme en témoignent les diverses opportunités de reconversion, de requalification ou encore de rénovation urbaine qui se concrétisent désormais plus fréquemment et donnent un nouveau visage aux villes du département. Si ces nouvelles urbanisations s’opèrent en continuité du tissu urbain existant et limitent l’artificialisation des sols, elles s’accompagnent en revanche souvent de constructions plus élevées constituant autant de nouveaux signaux visuels.
Les friches issues de la fermeture d’usines font parfois l’objet de réhabilitation après une phase de dépollution. De nombreux projets sont en cours : à Callelongue à Marseille avec la construction d’habitations, à Port-de-Bouc sur le site de l’ancienne usine Azur Chimie, à Gardanne à l’emplacement de la friche minière du Puits Morandat ou sur la friche de la Madrague à Marseille où un véritable morceau de ville sera recréé. Des éléments de patrimoine sont souvent conservés permettant de pérenniser des points de repère du paysage et l’histoire des lieux.
Concernant la rénovation urbaine, soutenue par l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU), elle permet d’intervenir sur des quartiers vieillissants et dégradés par la démolition ou construction de logements, la création d’espaces publics et d’équipements améliorant la qualité urbaine de ces ensembles.
Si la réglementation évolue en faveur d’une urbanisation plus raisonnée, le cadre législatif n’est, à ce jour, pas encore suffisant pour garantir la qualité des nouvelles urbanisations et la préservation des paysages. Les politiques publiques, mises en œuvre à différentes échelles, peuvent jouer un rôle prépondérant dans la prise en compte des enjeux paysagers, par exemple au travers des chartes, des démarches spécifiques requises (label écoQuartier, label Quartier Durable Méditerranéen…) ou tout simplement par le biais de programmes volontaristes.
De plus en plus souvent, les projets urbains, au-delà de la simple construction de logements ou de bureaux, s’attachent à constituer des espaces publics attractifs porteurs d’une certaine qualité de vie, de lien social et d’usages divers, de biodiversité. Ces espaces publics participent alors pleinement à l’ancrage du projet dans le site, allant de pair avec une meilleure complémentarité entre le bâti et son environnement.
C’est notamment le cas de la ZAC de l’Héritière à Ventabren, labélisée ÉcoQuartier et qui vise à répondre aux besoins en matière de logement, tout en créant une nouvelle centralité à l’échelle du village s’appuyant en cela sur de nouveaux espaces publics. L’inscription dans l’environnement se veut exemplaire, avec la formalisation de coulées vertes suivant le cours naturel des ruisseaux, un travail sur l’orientation des bâtis, une densité décroissante à partir du cœur du projet…
L’enjeu est une notion qui établit les gains et les risques potentiels, d’un point de vue littéral « ce qui est en jeu ». Il s’agit de déterminer la valeur et la qualité de ce qui est en jeu.
La valeur paysagère est en augmentation, grâce à la prise de conscience collective du changement climatique, des impacts sur les paysages, des problématiques d’artificialisation des sols… Quelle que soit leur échelle, les nouvelles urbanisations sont de plus en plus souvent réalisées avec une sensibilisation nouvelle et une meilleure intégration paysagère. Leur valeur paysagère tend à progresser avec la mise en place de chartes architecturales, paysagères et urbaines visant à améliorer leur insertion dans le contexte. Toutefois, cette constatation est à nuancer dans la mesure où nombre de projets sont encore réalisés dans un déni des spécificités du contexte et responsables d’une artificialisation s’accompagnant de la disparition d’éléments paysagers structurants.
La valeur économique est faible. Le secteur de la construction fournit 6% des emplois du département* mais les enjeux économiques, s’ils sont directs, relèvent plus du gain d’attractivité que de gains pour les paysages. Les nouvelles urbanisations sont encore souvent synonymes de consommation de sols et de paysages « artificiels », quand ils sont déconnectés de leur contexte paysager. Le dynamisme est apporté aux territoires par l’arrivée de nouveaux habitants, de salariés, de commerces, d’équipements ou par l’émergence de nouvelles centralités.
La valeur écologique est moyenne. Bien que les projets plus récents s’orientent vers une meilleure prise en compte des enjeux de développement durable, de la biodiversité, des corridors écologiques…Encadrée en cela par une réglementation coercitive, l’apparition de nouvelles urbanisations se fait malgré tout le plus souvent au détriment de milieux naturels ou agricoles, riches en biodiversité. Certains projets particulièrement vertueux, comme les reconversions de sites industriels pollués en quartiers habités, peuvent en revanche contribuer à l’amélioration de la valeur écologique des lieux.
* source : INSEE, RP 2018
Facteurs d'évolution | Gains | Pertes |
---|---|---|
Étalement urbain | Disparition d’espaces naturels et agricoles : perte de lisibilité et de repères, de structures paysagères. Monotonie du paysage urbanisé, moindres aménités paysagères. Création d’infrastructures connexes prégnantes dans le paysage. Discordance entre les caractéristiques architecturales des constructions et le paysage, banalisation. Fermeture du paysage. | |
Reconstruction de la ville sur elle-même | Opportunité de mise en valeur d’un patrimoine Amélioration de la qualité paysagère et du cadre de vie, paysages plus vivants… Continuité des espaces urbanisés, moindre morcellement. | Perte de repères historiques et paysagers suite à la reconversion de sites industriels. |
Les politiques publiques | Meilleure insertion paysagère des nouvelles urbanisations. Densification permettant de limiter la consommation d’espaces naturels ou agricoles. |
• Les objectifs
Réfléchir aux nouveaux sites d’implantation en croisant les enjeux paysagers, environnementaux, de fonctionnement et planifier sur le long terme.
Avoir une vraie réflexion sur le traitement des abords. Raisonner l’emplacement en prenant en compte les nécessités de desserte.
Préserver les espaces naturels qui côtoient ces nouveaux espaces urbanisés, de façon stricte lorsque leur qualité ou leur valeur patrimoniale sont exceptionnelles (plaine de la Crau, plaine de Ponteau à Martigues, zones humides à Port-Saint-Louis du Rhône,…).
Limiter l’étalement urbain, préserver les silhouettes villageoises.
Imposer un plan masse de composition et encourager la qualité architecturale, l’utilisation de matériaux de qualité, la préservation des structures paysagères.
Privilégier les projets faisant du paysage la trame structurante des aménagements, avec une attention portée aux modes de déplacement doux, à la qualité du cadre de vie, à l’accessibilité et à l’inscription dans le site.
Encourager la requalification paysagère des friches et de zones désaffectées.
Utiliser le vocabulaire du territoire d’implantation : forme et structure végétale, palette végétale, matériaux et couleurs contextualisés …
Limiter l’imperméabilisation des sols en ayant recours à des revêtements de sols poreux, alternatifs à l’enrobé et à l’asphalte.
• Les leviers d'action
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