Si elle forme une entité homogène, notamment par sa topographie et l’interdépendance des différents systèmes, elle recouvre en réalité trois grands ensembles : la Crau verte, la Crau sèche et la Crau des marais.
Fruit de milliers d’années d’interactions entre l’Homme et la nature, la plaine de Crau et ses étendues steppiques sont depuis 6000 ans environ une terre de pastoralisme, comme en témoignent les restes d’enclos datant de la fin du Néolithique et découverts lors de fouilles archéologiques.
Désormais protégée par le statut de Réserve Naturelle Nationale sur plus de 7400 hectares, la Crau sèche permet la perpétuation des pratiques pastorales ancestrales. Située au centre de l’unité paysagère, s’y déploient les paysages de coussouls, milieux steppiques fragiles.
Au nord, la Crau verte (ou Crau irriguée) se caractérise par une empreinte de l’Homme plus prononcée. Le canal d’irrigation d’Adam de Craponne, construit au XVe siècle, a transformé les étendues arides en un oasis de verdure aujourd’hui constitué de prairies verdoyantes, de vergers et d’oliveraies.
En limite du delta du Rhône, annonçant la transition avec la Camargue voisine, les marais se succèdent avec leurs paysages de roselières.
L’occupation humaine s’est longtemps organisée en villages et hameaux. Certains d’entre eux, comme Salon-de-Provence, répondaient au modèle médiéval circulaire entouré de remparts. Le développement industriel a transformé plusieurs de ces villages, Miramas notamment, avec l’édification d’une ville à l’écart de son village d’origine et la construction de grands ensembles pour accueillir les populations ouvrières du bassin industriel de Fos ou de l’activité ferroviaire.
Un paysage singulier entre immensité et horizontalité
Unique steppe d’Europe occidentale, la Crau, plaine alluviale de 60 000 hectares constituée par le delta fossile de la Durance, marque par la singularité de ses planes étendues. Au paysage ouvert sur les lointains de la Crau sèche répondent les trames régulières et rectilignes de la Crau irriguée.
Véritables étendues désertiques et arides, les vastes espaces de la Crau sèche ont leur sol recouvert des galets charriés par la Durance il y a 2 millions d’années avant qu’un mouvement tectonique fasse s’effondrer le seuil d’Orgon et ouvre le passage actuel de la Durance vers Avignon. La plaine s’assèche devenant ces pelouses sèches recouvertes de galets, les coussouls paysages caractéristiques de la Crau.
Cette horizontalité s’apprécie également au sein de la Crau irriguée où le bocage cultivé a remplacé les coussouls créant une trame parallèle de haies et de vergers qui referment l’horizon. Les motifs paysagers sont ici nés de l’ingéniosité des hommes pour vivre et se nourrir dans ces milieux steppiques : canaux et haies brise-vents dessinent des lignes horizontales qui structurent le paysage.
Enclave plane, subtil mélange de plaines désertiques et de prairies verdoyantes, la Crau se singularise des unités paysagères limitrophes qui se dévoilent et s’appréhendent pleinement : le massif des Alpilles émerge au nord et les installations industrielles du golfe de Fos ponctuent l’horizon en direction de la mer en offrant un réel contraste.
Un espace à la biodiversité exceptionnelle
Du point de vue de la biodiversité, la plaine de la Crau est un milieu exceptionnel qui présente plusieurs faciès :
- La Crau sèche, considérée comme le dernier milieu steppique de France, offre encore de vastes surfaces de pelouse très spécifique : le coussoul de Crau. Ce milieu est d’une grande richesse en espèces végétales puisqu’on y trouve jusqu’à 50 espèces de plantes vasculaires au mètre carré. Les espèces les plus courantes, caractérisant le coussoul, sont le brachypode rameux (Brachipodium retusum), le thym (Thymus vulgaris), le stipe capillaire (Stipa capillata) et l’asphodèle d’Ayard (Asphoelus ayardii). Ces caractéristiques steppiques sont aussi favorables à des espèces animales à affinités steppiques à forte valeur patrimoniale : outarde canepetière (Tetrax tetrax), ganga cata (Pterocles alchata), oedicnème criard (Burhinus oedicnemus)…
- La Crau humide est constituée de zone de marais essentiellement d’eau douce, à la flore remarquable. Ces marais présentent l’intérêt d’offrir une flore tempérée fraîche. Ainsi au niveau des résurgences est observé un cortège de plantes rares sur le pourtour méditerranéen dont certaines sont considérées comme étant des reliques glaciaires : fougère des marais (Thelypteris palustris), gentiane des marais (Gentiana pneumonanthe), grassette du Portugal (Pinguicula lusitanica). Concernant la faune, des invertébrés caractéristiques des régions froides, exceptionnels pour la région, ont été observés : l’escargot terrestre paludine commune (Viviparus contectus) et l’escargot aquatique (Vallonia enniensis).
- La Crau irriguée : il s’agit d’une partie de la Crau sèche qui a fait l’objet d’aménagement d’irrigation (canaux) à partir du XVIe siècle pour y développer des prairies de fauche. Ces prairies produisent aujourd’hui un foin d’exception, bénéficiant d’une AOP. Même si ces prairies artificielles sont d’un faible intérêt botanique, elles font partie d’un système agricole complet. En permettant un pâturage d’automne, elles assurent la pérennisation de l’activité pastorale indispensable au maintien du coussoul. L’arrosage par inondation des prairies permet également la réalimentation de la nappe de Crau, nécessaire au fonctionnement des marais et à l’alimentation en eau potable de 300 000 habitants.
Un territoire habité et exploité
Ces terres de transhumance ovine, dont le pâturage est essentiel à la préservation de la biodiversité, sont exploitées par l’Homme depuis des millénaires. Si les plaines, steppes et marais qui constituent l’identité visuelle de la Crau paraissent être l’œuvre de la nature, les vergers et canaux, les industries, les plateformes logistiques, les villes et leurs extensions rappellent de manière plus évidente la présence de l’Homme.
L’activité économique est dynamique : industrielle sur le golfe de Fos, ferroviaire à Miramas, et caractérisée par des plateformes d’activités à Saint-Martin-de-Crau et Clésud à Miramas. Avec le rail, c’est également l’aéronautique qui marque l’aménagement de la Crau. C’est encore le cas aujourd’hui, avec le pôle aéronautique (Jean Sarrail) et l’émergence d’une filière industrielle sur les dirigeables. Toutes ces activités ont contribué à des apports de population et façonné les paysages par leurs installations et les infrastructures qu’elles ont nécessitées.
Les grands ensembles de Salon-de-Provence, Miramas et Istres, construits dans les années 1960 afin d’accueillir les populations ouvrières du bassin industriel de Fos et de l’étang de Berre, forment une longue bande urbaine qui marque la frange orientale de la plaine de Crau. L’urbanisation s’est étirée et diffusée sur des terres auparavant agricoles. Autour des centres historiques, habitat pavillonnaire, zones d’activités et plateformes logistiques se partagent désormais les périphéries.
La plateforme logistique de Saint Martin-de-Crau, implantée au centre de la plaine sur une surface totale de 500 hectares, marque par son gigantisme. Ce site s’intègre difficilement dans le paysage de la plaine, du fait de ses dimensions exceptionnelles, liées tant aux entrepôts, qu’aux espaces interstitiels ou aux voies de desserte dont les profils sont conséquents aux gabarits des véhicules.