Le paysage comme atout à préserver
Le paysage comme atout à préserver
L’activité touristique s’insère dans un milieu existant, urbain, rural, littoral, naturel, nécessitant parfois quelques infrastructures mais sans constituer de nouvelles entités.
Cette activité touristique induit cependant des répercussions, positives ou négatives, sur les paysages du département.
Porté par un ensoleillement exceptionnel, des paysages emblématiques et reconnus et une bonne accessibilité, le tourisme constitue un véritable moteur du développement économique du département. Neuf millions de touristes fréquentent chaque année les Bouches-du-Rhône essentiellement entre mai et octobre. Le secteur représente directement et indirectement environ 50 000 emplois. Les recettes issues de cette activité représentent 7% du PIB du département*.
Si l’ensemble du département avec sa diversité de paysages est susceptible d’accueillir des visiteurs, l’activité touristique se concentre sur quelques sites principaux, avec les problématiques de surfréquentation que cela peut générer. Plus de la moitié des touristes séjournent par exemple à Marseille ou dans le pays d’Aix*.
* source : Bouches-du-Rhône tourisme
Envoûtement, antiquité, incontournable, emblème, Cézanne, charme, tradition… sont les mots pour évoquer les lieux les plus touristiques du département.
Les paysages jugés emblématiques, à l’image de la Camargue, des Calanques ou de la montagne Sainte-Victoire cristallisent les enjeux, avec la nécessaire conciliation entre l’activité touristique et la préservation de ces paysages. L’impact du tourisme de masse, avec la surfréquentation et la pollution que cela entraîne, apparaît préoccupante, notamment pour les paysages littoraux et marins. Le rôle des réseaux sociaux dans la promotion de sites plus confidentiels, mais non adaptés à un afflux de visiteurs, est également inquiétant.
Reconnus pour leur attractivité, Marseille et plus largement les Bouches-du-Rhône, font face à un afflux de touristes en période estivale, désireux de découvrir les lieux iconiques du département comme Marseille et son Vieux Port, les calanques, la montagne Sainte-Victoire, Aix-en-Provence… Les croisiéristes contribuent pour beaucoup à l’activité touristique du département avec par exemple 1,8 millions de passagers en 2018*.
Si le département est en capacité d’accueillir un nombre important de visiteurs, la problématique réside essentiellement dans leur concentration sur les mêmes sites aboutissant à une véritable sur-fréquentation, nuisant à la qualité des paysages, à la qualité de vie des riverains et à la préservation de la biodiversité. Les plages, notamment celles des Calanques, sont ainsi plébiscitées : elles ont accueilli 3,5 millions de personnes en juillet et août 2020. Les paquebots de croisière qui se succèdent dans le port de Marseille sont à l’origine d’une pollution atmosphérique, objet de conflits avec les riverains qui la subissent.
Face à ce constat, la ville de Marseille a souhaité pour la saison 2021 miser sur un tourisme moins massif, en annulant sa campagne de promotion extérieure de la ville. Toutefois, plusieurs sites sont fréquentés par les habitants des Bouches-du-Rhône à l’image des Calanques ou de la montagne Sainte-Victoire.
*En 2020, la pandémie du Covid 19 a ralenti le tourisme de croisière. 2021 l’a vu repartir à la hausse sans toute fois atteindre les chiffre d’avant la crise sanitaire
La renommée de la gastronomie provençale constitue également un vecteur de développement touristique, avec l’œnotourisme et l’agritourisme, s’appuyant tous deux sur les spécificités des différents terroirs et des productions associées.
Les labels et appellations contribuent à l’attractivité de certains secteurs agricoles, à l’image des Baux-de-Provence et de son huile d’olive AOP.
Routes des vins, manades camarguaises, marais salants, moulins oléicoles, domaines viticoles…ouvrent leurs portes aux amoureux de la gastronomie, leur permettant par ce biais de découvrir la diversité des paysages du département.
Les nombreux sites naturels du département, qu’ils soient littoraux, forestiers, maritimes ou pré-montagneux, sont autant de terrains propices à une activité touristique sportive, plus ou moins développée selon les pratiques. Les Parcs Naturels Régionaux et le Parc National des Calanques sont par ailleurs des sites privilégiés pour accueillir les adeptes de randonnées, de VTT, d’escalade, de plongée, kayak, vélo, longe côte… Avec près de 5000 voies, les falaises des Calanques constituent un site d’escalade majeur en France attirant de nombreux passionnés.
Ces activités de pleine nature ne nécessitent par essence que peu d’infrastructures et se répartissent sur tout le territoire. Avec une bonne gestion des flux et le respect des itinéraires balisés, cette forme de tourisme est compatible avec la préservation des paysages qu’elle encourage à protéger.
Avec ses nombreux ports de plaisance (Cassis, la Ciotat, la Redonne, Carro…), le littoral des Bouches-du-Rhône est également fréquenté par les plaisanciers locaux ou extérieurs au département. Cette activité, qui peut avoir un impact sur les milieux aquatiques, est réglementée avec l’interdiction de mouillage dans certaines calanques emblématiques et saturées.
Sur les traces des peintres qui ont restitué au fil des siècles les couleurs et les formes des paysages du département, à la découverte du riche patrimoine bâti ou encore à la recherche d’expériences culturelles (carrières de Lumières, MuCEM, rencontres de la photographie d’Arles…) ou festives, les villes et villages du département attirent aussi les visiteurs.
Si Aix-en-Provence et Marseille concentrent la plus grande partie des flux touristiques, les villes et villages médiévaux ou pittoresques sont également très prisés des touristes. Le label Ville d’Art et d’Histoire est attribué à Arles et Martigues. Le caractère authentique des formes urbaines historiques insérées dans leur écrin paysager séduit.
Le patrimoine architectural est riche de toutes les époques qui ont fait l’histoire du département. De l’époque gallo-romaine, les Bouches-du-Rhône offrent des vestiges, pour certains remarquablement conservés. Les nombreux oppida, le théâtre antique d’Arles, le site archéologique Glanum à Saint-Rémy-de-Provence, celui de Saint-Blaise, Roquepertuse, la carrière de la Corderie à Marseille …sont autant de lieux qui témoignent de ce pan de l’histoire bucco-rhodanienne.
La période médiévale, en plus des formes urbaines qui ont été la base de l’organisation de nombreuses villes et villages, a légué un nombre important d’abbayes et de couvents : l’abbaye de Jouques, Sylvacane, Saint-Victor, Montmajour, Saint-Michel-de-Frigolet sont quelques uns de ces lieux dont l’état de conservation varie.
Des actions s’engagent pour la valorisation de l’héritage industriel, qui représente des opportunités de tourisme alternatif dont plusieurs exemples existent en France et dans le monde (la Ruhr allemande, bassin minier de Lille, usine à Nantes, Cholet, Paris, Montreuil…).
Des anciens sites industriels ont déjà été reconvertis en espace d’Art et/ou muséographique. Certains accueillent des lieux d’expression artistique comme la friche de la Belle de Mai sur le site de la Manufacture des Tabacs à Marseille ou La Coloniale dans l’enceinte de l’ancienne cimenterie Lafarge à l’Estaque. La reconversion de la friche ferroviaire d’Arles associe la conservation de bâtiments industriels et l’édification d’un espace muséographique : la tour Luma, signée par l’architecte Franck Gehry.
L’ancienne rizerie à Port-Saint-Louis-du-Rhône est occasionnellement ouverte aux visiteurs. Ses murs portent les traces de l’occupation, lors de la seconde guerre mondiale, par un état-major allemand de la Kriegsmarine : inscriptions allemandes sur les murs, archives de guerre, mais aussi des affiches de prévention d’accident.
La reconversion d’autres sites industriels ouvrira la porte à d’autres lieux porteurs de ce tourisme.
La gestion touristique, celle des flux, de l’accueil du public est à l’origine d’actions de plus en plus fréquemment mises en place. Elles visent à améliorer la pratique des lieux et à pallier les dégradations. La surfréquentation de certains sites peut conduire à des détériorations visibles dans les perceptions paysagères.
La mise en valeur d’éléments de patrimoine pour attirer des visiteurs participe à l’embellissement du cadre de vie, sans oublier les retombées économiques qui contribuent au dynamisme des territoires en dehors des grandes métropoles.
Cependant les lieux moins emblématiques et moins fréquentés disposent de moyens de gestion moindres.
Les enjeux liés aux lieux touristiques abordent des problématiques d’ordre sociétal, environnemental, économique, paysager.
L’attachement de la population aux paysages exceptionnels des Calanques, de la montagne Sainte-Victoire, de la Camargue, de villages tel que les Baux-de-Provence, Mouriès, Puyloubier…et qui font la renommée du département est indéniable. Ce sont pour beaucoup, en plus de paysages remarquables, des paysages du quotidien.
Aussi établir les facteurs d’évolution donnera l’opportunité à l’atlas des paysages de formuler des recommandations pour leur préservation et leur valorisation.
Particulièrement concerné par l’activité touristique, le littoral fait face depuis plusieurs années à un phénomène de surfréquentation, notamment dans le Parc National des Calanques, dont la notoriété attire un public nombreux de visiteurs locaux comme extra-départementaux. La fréquentation de certains sites entraîne des perturbations et des dégradations parfois importantes, voire irréversibles :
Les sources de nuisances liées à la fréquentation sont multiples (randonnée, VTT, escalade, spéléologie, motos, quads, etc.) et ce sont essentiellement les littoraux péri-urbains qui y sont confrontés, ceux ci faisant parfois office de site de promenade urbaine. La notoriété de certains espaces littoraux accentue également ce phénomène. Ainsi, dans le Parc National des Calanques, où le problème atteint son paroxysme, une stratégie de « démarketing » a été mise en place en 2020 afin de lutter contre cela.
L’idée est d’effacer l’image idyllique pour la remplacer par une information affichant la réalité (par exemple : « eau froide, accès difficile », image de plages bondées,…).
Ces problématiques ne se limitent pas au Parc National, mais plus largement à certains espaces naturels mis en lumière tant par les réseaux sociaux (source de l’Huveaune…) que par des protections reconnues (plage de Beauduc dans le PNR de Camargue).
Les milieux naturels ne sont pas les seuls impactés par ce phénomène de fréquentation, c’est aussi le cas de Marseille dont le port accueille de très nombreux paquebots de croisière. Ces gigantesques navires sont responsables d’une pollution atmosphérique et sonore, préjudiciable pour les riverains du port. Les croisiéristes qui font étape dans la cité phocéenne profitent à l’économie locale et contribuent à la renommée internationale de la ville de Marseille et du département, renommée qui avait été relancée en 2013 quand Marseille était Capitale Européenne de la Culture.
La surfréquentation par les bateaux de plaisance en particulier dans les calanques, au-delà de représenter une menace pour le milieu naturel marin, impacte la perception des paysages en faisant de ces criques de véritables parkings à bateau en période estivale. L’été, les agents du Parc ont déjà dénombré une quarantaine de bateaux en simultané à Port-Pin, et pas moins de 80 dans la calanque d’En-Vau. En mars 2021, une nouvelle réglementation interdit le mouillage dans ces deux calanques, interdiction élargie à l’ensemble du parc à compter de 2023.
D’autres mesures prévoient l’interdiction de débarquement des kayaks sur les corniches naturelles, une communication en temps réel sur certains sites comme Sormiou et Morgiou pour réguler le nombre de visiteurs, avec la mise en place de compteurs aux entrées et sorties des parkings.
Le potentiel touristique de sites parfois menacés par des transformations aussi diverses que la fréquentation, l’enfrichement, la ruine ou encore la pollution amène à des programmes de gestion, de restauration ou de mise en valeur.
L’intérêt de ces démarches de restauration ou de préservation n’est pas seulement touristique, même s’il est logique que les pressions engendrées par ce secteur d’activités et les retombées économiques résultant d’une hausse de l’attractivité encouragent ces pratiques.
L’objectif consiste généralement à restaurer les sites dégradés par une fréquentation trop importante, à y proposer des aménagements pour gérer et répartir les flux et à mettre en valeur des sites touristiques alternatifs aux sites saturés.
Parmi les nombreuses démarches mises en œuvre, le cas du Grand Site de France « Concors – Sainte-Victoire » est exemplaire. L’un des objectifs du label Grand Site de France est en effet de restaurer les qualités paysagères, naturelles et culturelles tout en se prémunissant des dégradations associées à une trop grande fréquentation touristique. Les accès au site ont ainsi été aménagées pour améliorer l’accueil du public, en particulier concernant le stationnement, dont la gestion est aujourd’hui considérée comme réussie. Le stationnement sauvage de véhicules constitue très souvent un des impacts les plus prégnants sur les paysages et les milieux, à la haute saison lorsque les véhicules débordent sur les bas côtés et le moindre espace disponible. Ce phénomène est particulièrement visible le long de la route des Crêtes à la Ciotat par exemple.
La justesse des aménagements, soignés, discrets, dimensionnés au strict nécessaire et en accord avec l’environnement (matériaux et mobiliers naturels, essences végétales locales…) est également à souligner. La restauration du patrimoine bâti s’inscrit également dans ce cadre, avec par exemple la restauration du prieuré de Sainte-Victoire débuté en 2006. Enfin, le nettoyage de déchets, la réhabilitation de décharges, de délaissés et de dépôts sauvages participent à l’amélioration de la qualité paysagère globale du site
Les PNR sont dans une logique similaire, avec des aménagements spécifiques pour un tourisme plus durable et maîtrisé ou pour améliorer l’état de sites fragiles et très fréquentés ( par exemple le lac de barrage du Peirou à Saint-Rémy-de-Provence, le secteur proche de Saint-Gabriel à Tarascon et le Pont dit Romain à Eygalières dans le PNR des Alpilles). Dans le cadre de ces projets de mise en valeur, la requalification des entrées de site, l’intégration paysagère des aires de stationnement, le développement d’itinéraires balisés hors des secteurs sensibles revêtent une importance particulière. Le label des Parcs et Domaines Départementaux permet quant à lui des actions similaires sur les 16 sites concernés* : aménagements d’accueil, protection contre les incendies, protection contre les piétinements…
Enfin, la réglementation peut intervenir en renfort des outils de gestion afin de réduire drastiquement les atteintes portées aux milieux naturels et au paysage. C’est notamment le cas pour les bateaux dans le Parc National des Calanques, avec plusieurs mesures phares comme le recul vers le large du mouillage des grands navires et l’interdiction de tout mouillage dans les calanques d’En-Vau et de Port-Pin.
Enfin, la réglementation peut intervenir en renfort des outils de gestion afin de réduire drastiquement les atteintes portées aux milieux naturels et au paysage. C’est notamment le cas pour les bateaux dans le Parc National des Calanques, avec plusieurs mesures phares comme le recul vers le large du mouillage des grands navires et l’interdiction de tout mouillage dans les calanques d’En-Vau et de Port-Pin.
L’enjeu est une notion qui établit les gains et les risques potentiels, d’un point de vue littéral « ce qui est en jeu ». Il s’agit de déterminer la valeur et la qualité de ce qui est en jeu.
Elle peut être considérée comme évolutive. Le caractère touristique étant souvent induit par l’attrait paysager du lieu, tant d’un point de vue historique, patrimonial, esthétique…que par l’influence de l’imaginaire collectif, la valeur paysagère de ces sites est généralement élevée. Cette valeur paysagère est alors fluctuante dans le temps et dans l’espace en fonction de la fréquentation qui peut en altérer, par la présence de rassemblements localisés, la perception paysagère ou de manière plus durable l’état du site. Hors période d’affluence, et en cas de gestion maîtrisée des flux touristiques, cette valeur reste élevée.
Elle est très élevée. Avec plus de 9 millions de touristes accueillis chaque année, dépensant près de 2,7 milliards d’euros*, le secteur du tourisme représente un poids économique important. 50 000 emplois dépendent directement ou indirectement de cette activité et la dynamique est positive, en 10 ans les emplois du secteur ont augmenté de 26 %*.
Elle est généralement très élevée, les milieux naturels étant souvent jugés esthétiques et emblématiques du département. Le Parc national des Calanques, la Montagne Sainte-Victoire, le massif des Alpilles et le littoral camarguais par exemple sont parmi les sites les plus touristiques du territoire mais également parmi ceux présentant une richesse écologique élevée.
L’impact du tourisme sur la valeur écologique des milieux est donc non négligeable : par la surfréquentation qui peut leur porter atteinte, et inversement par les opérations de restauration initiées par les politiques d’aménagement liées au tourisme.
* source : Bouches-du-Rhône Tourisme
Facteurs d'évolution | Gains | Pertes |
---|---|---|
Fréquentation | Retombées économiques Rayonnement culturel | Dégradation des milieux et habitats naturels avec perte de couvert végétal par piétinement, déchets, éboulements… Saturation des espaces emblématiques par la foule, alors difficilement appréciables Prégnance des véhicules en stationnement Amoncellement de mobilier de défense |
Mise en valeur / restauration | Vivre le paysage sans le dégrader (paysages vivants et durables) Restauration de sites dégradés Valorisation de lieux et de paysages méconnus Restauration du patrimoine bâti Opportunité de préservation par l’information et la gestion nécessaire : meilleure canalisation des flux touristiques, protection des zones sensibles pour qu’elles restent stables | |
Réglementation | Limitation des pressions anthropiques sur les paysages. |
• Les objectifs
• Les leviers d'action
Hôtel du Département – 52 avenue de Saint Just, 13 256 Marseille Cedex 20