Des marqueurs de paysages en transition
Des marqueurs de paysages en transition
Les objectifs de développement des énergies renouvelables en France sont présentés dans la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE, document stratégique pour le pilotage de la transition énergétique en France). Ce document vise une augmentation conséquente de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique français, avec un objectif de 40% d’électricité d’origine renouvelable d’ici 2032, en complément des actions d’économies d’énergie (dans l’isolation des bâtiments et les transports notamment). La croissance des énergies renouvelables est importante depuis les années 2000, mais le développement de ces énergies “vertes” n’est néanmoins pas neutre en termes d’impacts environnementaux et paysagers.
Le département des Bouches-du-Rhône est un bassin de vie de plus de 2 millions d’habitants, impliquant des besoins énergétiques conséquents, pour les activités industrielles, les transports, mais aussi pour le résidentiel et le tertiaire. C’est un département déficitaire en énergie, qui ne produit qu’1% de l’énergie nationale* bien que présentant un fort potentiel de développement pour l’énergie solaire, éolienne et le bois-énergie.
* source : Conseil départemental des Bouches-du-Rhône
Bivalence, rupture, démesure mais aussi nécessaire et élément de paysage… sont les termes évocateurs de ces énergies.
La réflexion portée lors des ateliers de co-construction reflète l’ambivalence de ces infrastructures énergétiques. Jugées comme nécessaires, elles questionnent quant à leur rapport au paysage.
Question d’échelle ? De taille modeste, les équipements peuvent devenir éléments de paysage, objets de valorisation quand ils s’installent dans une ancienne décharge ou carrière mais quand leur taille devient démesurée, ils sont perçus comme éléments de rupture. Planification, considération du paysage, quantification de leur réelle rentabilité, échelle de production…sont autant de pistes de réflexion.
Le département des Bouches-du-Rhône, le plus venté de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, présente donc un potentiel éolien conséquent mais peu exploité. En effet, l’implantation de parcs éoliens nécessite des espaces ventés, des reliefs plutôt plats en plaine ou sur des plateaux tout en évitant de trop nombreuses covisibilités. Certaines éoliennes peuvent malgré tout être installées sur des versants ou au pied de reliefs.
Le développement de l’éolien se heurte aussi à de nombreuses contraintes techniques (servitudes aéronautiques civiles et militaires, potentiel de raccordement au réseau national…) et à une forte densité de bâti. Malgré cela, le département est le plus grand producteur d’énergie éolienne terrestre de la région Provence Alpes Côte d’Azur, avec plus de 85% de la puissance régionale produite. Trois parcs éoliens d’envergure (Fos-sur-Mer, Saint-Martin-de-Crau et Port-Saint-Louis-du-Rhône) sont aujourd’hui en service. De nouveaux projets terrestres et offshore sont à l’étude, au large de Port-Saint-Louis-du-Rhône ou de Fos-sur-Mer.
Un atlas du potentiel éolien en région PACA a été élaboré, déterminant des ZDE (Zones de Développement de l’Éolien) selon le potentiel éolien (vitesse moyenne des vents), des possibilités de raccordement au réseau électrique, d’un éloignement de 500 m des zones habitées et de la protection des paysages, du patrimoine culturel et de la biodiversité.
Mais l’implantation de parcs éoliens demeure une source fréquente de conflits, leur impact visuel compliquant l’acceptation et l’adhésion des riverains à ces projets. Elles marquent les paysages et peuvent déstructurer des horizons.
Le Schéma Régional de l’Éolien classifie des zones selon leur sensibilité de majeure à forte. Les zones à sensibilité majeure proscrivent l’implantation d’éoliennes.
* source : Schéma Régional Éolien
Le département des Bouches-du-Rhône, l’un des plus ensoleillés de France, arrive en tête en termes de superficie et de puissance des installations à l’échelle régionale. Les installations photovoltaïques sont de natures très différentes et les impacts sur les paysages diffèrent tout autant. Les centrales photovoltaïques au sol constituent des motifs paysagers très marquants avec des occupations du sol de l’ordre de plusieurs dizaines d’hectares. La centrale de Fos-sur-Mer, par exemple, compte près de 45000 panneaux photovoltaïques répartis sur 15 hectares de terrain. D’autres s’implantent sur d’anciens sites d’extraction après l’arrêt de l’activité.
De nouveaux projets d’installations photovoltaïques de grande emprise sont actuellement à l’étude. Ils se concentrent majoritairement sur les zones industrialo-portuaires et les friches industrielles où l’implantation est la moins préjudiciable pour la préservation des espaces naturels, forestiers et agricoles. En effet, on estime qu’entre un et deux hectares de terrain sont nécessaires par mégawatt installé. Les espaces naturels contribuent massivement au stockage du carbone, à l’adaptation au changement climatique et au maintien de la biodiversité. Le développement du photovoltaïque ne peut se faire au détriment de leur préservation.
Aussi il convient de favoriser l’installation des panneaux en toiture. Ce mode tend à se multiplier. Installés sur les toits de bâtiments d’habitation, de hangars agricoles, industriels ou logistiques, les panneaux sont peu impactants dans le paysage. Ils permettent une production d’électricité à très petite échelle. L’installation des panneaux sur les ombrières de parkings est aussi à favoriser. Viennent ensuite les implantations sur les surfaces déjà anthropisées et les terrains dégradés (friches industrielles notamment).
Enfin, sous conditions d’insertion dans le site, les installations au sol et l’agrivoltaïsme (serres photovoltaïques) peuvent être envisagés. Des projets de fermes flottantes sont également à l’étude, notamment sur l’étang de Lavalduc, tout proche du site classé de Saint-Blaise et sur le bassin du vallon de Dol à Marseille. Ce type d’installation pourrait avoir des conséquences majeures sur le paysage. La plus grande attention doit alors être portée à l’intégration de ces installations.
Fort de son réseau hydrographique dense, le département des Bouches-du-Rhône est un territoire propice à la production d’électricité hydraulique : cette forme d’énergie consiste à utiliser la force créée par le mouvement de l’eau pour entraîner un alternateur qui génère du courant. Cette production se fait au sein d’une centrale hydroélectrique installée au bord d’un cours d’eau ou sur un canal tel que le canal usinier de la chaîne hydroélectrique Durance-Verdon.
Six centrales hydroélectriques existent dans le département : Jouques, Saint-Estève-Janson, Mallemort, Lamanon, Salon-de-Provence et Saint-Chamas. Elles font partie de l’aménagement hydroélectrique Durance–Verdon et en constituent le dernier maillon. 50% de l’électricité produite en région Provence Alpes Côte d’Azur provient de l’hydroélectricité issue en grande majorité partie de cet aménagement qui comprend 14 barrages et 22 centrales hydroélectriques. La puissance totale cumulée place la région au 3e rang des territoires producteurs d’énergie hydroélectrique. L’intérêt de l’énergie hydroélectrique vient de sa capacité à être mobilisable dans des délais très courts, lui permettant de jouer un rôle clé dans la gestion des pics de consommation électrique et de faire face aux intermittences de production d’énergie éolienne et solaire.
Cependant, la raréfaction de la ressource en eau va entraîner une diminution de cette production énergétique dans les années à venir. Le potentiel de production hydroélectrique pourrait diminuer de 20 à 50% pour les régions méditerranéennes à l’horizon 2070*.
Ces différentes installations présentent toutes des avantages et inconvénients au regard de leur intégration paysagère. L’hydroélectricité a une faible emprise au sol mais impacte les continuités écologiques aquatiques et constitue des ruptures paysagères et fonctionnelles pour les ouvrages majeurs comme le canal usinier de la chaîne hydroélectrique Durance-Verdon.
Le développement de ces formes d’énergies nécessite de trouver le bon équilibre avec la prise en compte des enjeux patrimoniaux et environnementaux. Une meilleure concertation avec les habitants semble également nécessaire afin de faciliter l’acceptation des projets. Une démarche territoriale de projet (à l’échelle d’un SCOT, PLU) abordant toutes les potentialités est un pré-requis indispensable à la bonne conduite de ces projets.
Malgré le potentiel éolien avéré du département, les nombreuses contraintes réglementaires réduisent considérablement la part exploitable de cette ressource. La réglementation et son application stricte imposent des installations respectueuses du patrimoine commun et plus particulièrement du paysage. Les mesures ERC, applicables à chaque projet, sont les garantes de la protection des paysages et des milieux et participent à l’acceptabilité du projet. L’éolien offshore, filière en développement, présente un plus fort potentiel mais ses impacts sur la biodiversité marine, encore mal connus, et sur les paysages ne sont pas négligeables.
La filière photovoltaïque dispose d’un potentiel de développement très important. Pour limiter la consommation d’espaces naturels et de terres agricoles, le développement du photovoltaïque sur toiture est à privilégier. L’autoconsommation solaire est une pratique qui connaît un fort développement ; de nombreuses collectivités, entreprises et particuliers font le choix de s’équiper de panneaux solaires, implantés sur les toitures ou les parkings, et permettant de consommer directement l’énergie produite, le surplus d’énergie pouvant être réinjecté dans le réseau national.
L’hydroélectricité est une source d’énergie dont le développement est déjà maximal ; l’enjeu actuel est de préserver ce potentiel productif.
Le développement des énergies renouvelables doit favoriser une meilleure prise en compte du paysage, des spécificités propres à chaque territoire, afin d’intégrer harmonieusement ces projets au sein des territoires concernés, dans le respect des activités locales (agriculture, sylviculture, tourisme…). L’élaboration d’un projet territorial global est nécessaire pour un développement cohérent des projets. La question paysagère doit être abordée dès l’amont du projet, avec notamment l’application de la séquence Éviter-Réduire-Compenser, pour permettre son intégration dans le site dans le respect de ses composants paysagers et considérer les impacts aussi bien visuels que sur les milieux naturels. La conduite d’une concertation, le choix de solutions qui font consensus sont indispensables à l’acceptation des projets et son appropriation par les habitants. La production d’électricité renouvelable de petite puissance (solaire en toiture, micro hydroélectricité, micro-éolien…) doit être favorisée car son impact paysager est limité et elle nécessite un moindre renforcement des réseaux.
La transition énergétique est une démarche globale qui ne se limite pas au développement des énergies renouvelables. Les énergies renouvelables ne peuvent pas, en 2021, remplacer 100% des énergies fossiles utilisées. L’augmentation de la part de ces énergies dans le mix énergétique doit s’accompagner d’une réduction conséquente des consommations, ce que l’on appelle la sobriété énergétique. Les acteurs de l’aménagement du territoire ont un rôle à jouer par des choix d’aménagements allant dans le sens d’économies d’énergie*.
La requalification des modes de transports est au coeur de ces préoccupations. La réduction de la consommation énergétique par les transports mobilise différents leviers d’actions : limiter l’usage de la voiture individuelle au profit des transports collectifs, encourager le covoiturage et des modes de déplacements actifs. Aujourd’hui, à l’échelle de la métropole Aix-Marseille-Provence, la moitié des 6,5 millions de déplacements journaliers se fait en voiture. Le transport de marchandises, essentiellement par camion, génère lui aussi des dépenses énergétiques considérables et a de lourdes conséquences sur les paysages qu’il traverse. Il convient alors de repenser ce mode d’acheminement et de favoriser les circuits courts.
L’habitat et les bâtiments publics constituent également des postes de dépenses énergétiques conséquents, notamment pour le chauffage. Améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments permet de diminuer considérablement ces dépenses.
* source : Énergies et Territoires – Réussir la transition énergétique – Agence d’Urbanisme de l’Agglomération Marseillaise
L’enjeu est une notion qui établit les gains et les risques potentiels, d’un point de vue littéral « ce qui est en jeu ». Il s’agit de déterminer la valeur et la qualité de ce qui est en jeu.
Elle est élevée. Le déploiement de structures de production d’énergie renouvelable, que ce soit le solaire ou l’éolien, modifie le paysage. Pourtant les paysages de l’énergie existent depuis longtemps. Les moulins à vent par exemple ont été de nouveaux motifs qui aujourd’hui sont des éléments structurants des paysages. L’enjeu est de réfléchir à une démarche territorialisée d’aménagement des structures de production d’énergie. Il s’agit d’éviter l’aménagement au coup par coup, l’opportunisme foncier et d’avoir une vision d’ensemble adaptée à l’échelle de chaque territoire. Il s’avère aussi nécessaire d’arriver à l’acceptation par les populations de ces projets, par un travail de communication et de sensibilisation. Donner la possibilité aux habitants de participer directement au développement des projets permet ainsi une co-construction apaisée et réussie.
Elle est élevée. La transition énergétique engage les collectivités à développer ces nouvelles énergies. Ces dernières doivent mobiliser les ressources financières nécessaires à leur développement et à la valorisation maximale des potentiels énergétiques. L’accès au foncier pour l’implantation de champs photovoltaïques et éoliens est de plus en plus contraint. Si de nombreuses surfaces anthropisées sont sous-utilisées et pourraient accueillir des structures d’énergie renouvelable, les développeurs sont plus enclins, par rentabilité, à construire des centrales au sol. Le solaire en toiture est sans conteste à développer. Des économies dans les domaines dépendant des énergies fossiles sont nécessaires pour asseoir la place du renouvelable dans le mix énergétique français.
Elle dépend des modes d’implantation des énergies. Si l’installation de fermes photovoltaïques sur des terrains dégradés (anciennes carrières ou décharges) peut sembler vertueuse, leur impact sur les paysages et les milieux est conséquent. Très souvent elle se fait au détriment des milieux avec une absence de renaturation. L’éolien pose la question, en plus de l’impact visuel, de la cohabitation de la structure même avec la faune et plus particulièrement l’avifaune et les chiroptères mais aussi des nuisances sonores.
Facteurs d'évolution | Gains | Pertes |
---|---|---|
Développement du photovoltaïque | Sur toiture : augmentation de l’autonomie énergétique. Limitation de la consommation d’espaces naturels, agricoles, forestiers. Valorisation des surfaces en toiture des espaces commerciaux, d’activités et industriels. Parcs photovoltaïques : grande capacité de production. Valorisation de terrains dégradés | Sur toiture : banalisation des paysages urbains. Perte de l’identité architecturale des lieux. Parcs photovoltaïques : déboisement et destruction de milieux forestiers et naturels. Impact visuel fort. Emprise au sol importante. Stérilité des sols. |
Développement de l'Éolien | Emprise au sol moindre. | Impact visuel. |
Promotion d'un mix énergétique | Réduction des surfaces des fermes solaires, diminution de la hauteur des éoliennes. Augmentation de l’économie énergétique. | Multiplication des « nouveaux paysages de l’énergie ». |
Stratégie territoriale et concertation | Meilleure acceptation des projets. Optimisation des sites d’implantation. | Limitation des nouveaux projets et de l’opportunisme foncier associé. |
• Les objectifs
Éviter le développement du solaire sans logique territoriale. Mener une réflexion à l’échelle des collectivités afin d’aboutir à un référencement exhaustif des besoins et potentialités en conformité avec le cadrage régional et selon les priorités :
1 Toitures et ombrières / 2 Espaces anthropisés / 3 Sous conditions strictes, photovoltaïque au sol
Maîtriser les surfaces nécessaires aux énergies en fonction de leur rentabilité et des besoins de production.
Accompagner les futurs projets dans leurs implantations et travailler avec les élus et populations riveraines pour un projet accepté de tous. Accompagner les particuliers pour le solaire en toiture, plus particulièrement pour les bâtiments agricoles et de loisirs.
Protéger les espaces agricoles et naturels
Concilier le développement des équipements et biodiversité : éolien et avifaune, photovoltaïque et renaturation.
Accompagner l’insertion paysagère des nouvelles formes d’énergies et structurer les filières économiques qui en découlent.
• Les leviers d'action
Documents de planification urbaine : Plan Local d’Urbanisme, Schéma de Cohérence Territoriale…
Code de l’Environnement
Documents de planification énergétique : SRCAE, PCAET, SRADDET, SRE, cadre régional pour le développement du photovoltaïque…
Plans de paysage de la transition énergétique
Guide relatif à l’élaboration des études d’impacts des projets de parcs éoliens terrestres
Cadrage régional pour le développement du photovoltaïque en Provence-Alpes-Côte-d’Azur
Hôtel du Département – 52 avenue de Saint Just, 13 256 Marseille Cedex 20